afghanistan

Skateistan

posté le 29 January 2009 à 23:01
 
Skateistan
 

Le skate est le dernier truc qui fait fureur auprès des ados de Kaboul. Tout à commencé quand Oliver Percovich, un Australien de 34 ans, quitte Melbourne en 2007 pour suivre sa petite amie qui a trouvé un travail à Kaboul. Il découvre que les expatriés restent entre eux, ne s'aventurent pas en ville et finalement ne la connaisse même pas. Ne trouvant pas de job, il fit ce qu'il faisait depuis petit : du skate. Il se met à traverser la ville en skate en long et en large. Il commence par attirer la curiosité des gamins qui lui demandent s'ils peuvent essayer son skateboard. Il comprend vite qu'il a trouvé un excellent moyen d'échanger avec les jeunes.

L'Afghanistan a le taux le plus important au monde d'enfants ayant entre 7 et 12 ans. Ils représentent environ un Afghan sur cinq. 70% de la population a moins de 25 ans. Il n'y a jamais eu autant d'enfants scolarisés, cependant il reste encore la moitié des 7 à 12 ans qui ne sont pas inscrits. Dans les écoles primaires, le nombre de garçons représente le double de celui des filles. D'après, l'UNICEF beaucoup d'enfants scolarisés se retrouvent à devoir abandonner l'école pour commencer à travailler pour aider leur famille à survivre. Selon Roshan Khadivi, porte parole d'UNICEF en Afghanistan, les difficultés économiques obligent un tiers des enfants âgés de 7 à 12 ans à travailler. Cela crée une génération d'illettrée conduisant la plupart dans une spirale de pauvreté.

Pour une grande partie d'entre eux, le sport n'existe pas vraiment. Les garçons jouent au foot et au volley et on décourage les filles de tout rassemblement public, ce qui est moyen pour jouer au foot.

Oliver Percovich décide donc de se lancer dans un projet, appelé Skateistan, ayant pour but la création d'une école de skateboard mais voit ses demandes de subventionnement refusées par les ambassades et les ONG. Du coup, sans vraiment de budget, il se lance dans quelque chose de plus modeste en donnant des cours gratuits de skate dans des lieux publics, tels qu'une fontaine abandonnée ou une piscine de l'ère soviétique utilisée auparavant par les Talibans pour les exécutions publiques.

"Les ados essayent de se démarquer des anciennes mentalités et je suis leur serviteur. Si ça ne les intéressait pas je serais parti depuis longtemps." explique Oliver. Hamid Shahram, un jeune de 22 ans qui skate en écoutant du hip-hop sur son iPhone voit le skate "comme une sorte de fraternité", il considère le skateboard comme une manière de rejeter les valeurs des précédentes générations qu'il résume par  le fait de faire tout le temps la guerre, de tuer et de se battre les uns contre les autres.

La violence est pourtant omniprésente à Kaboul, depuis novembre une vague de kidnappings et d'attentats kamikazes frappent la ville. Du coup au lieu de venir donner des cours tous les jours, Oliver n'en donne plus qu'une à deux fois par semaine.

Parmi ceux qui attendent impatiemment ses cours, il y a Moro, une petite filles de 9 ans, qui était terrifiée en montant la première fois sur la planche de skate. "Ça me donne du courage, et dès que je skate, j'oublie toutes mes peurs" raconte-t-elle.

Skateistan commence à avoir pas mal de succès mais même là cela reste difficile, un magasin de skate australien lui donne en mars derniers 30 skateboards avec toutes les protections qui vont bien mais Oliver ne peut se permettre de payer les 5000 dollars de frais de port et le matériel reste en Australie. En effet, les frais de port vers l'Afghanistan sont exorbitants ce qui constitue un gros problème pour les dons.

La plupart des gamins veulent essayer. Haroon Bacha, un garçon de 12 ans portant un salwar kameeza marron (un vêtement traditionnel unisexe), a débuté en voyant un cours depuis la fenêtre de son appartement. Quelques jours plus tard, il amenait sa petite soeur de 2 ans pour qu'elle prenne une leçon.


Haroon, 12 ans, apprend à sa petite soeur de deux ans Baher à faire du skateboard durant un cours de Skateistan (photographie de Declan Walsh, le guardian)

Certains skaters Afghans de la première génération viennent aider bénévolement en apprenant leurs tricks aux nouveaux. Ceux qui ont accès à Internet, regarde les vidéos sur Youtube pour apprendre de nouveaux tricks. Le niveau des nouveaux skaters impressionne Oliver, "Beaucoup arrive rapidement à sortir un ollie et après deux mois tentent des kick flips.". Observant des jeunes skaters, "Ils ont un meilleur équilibre que les gamins occidentaux, principalement parce qu'ils ont moins peur de tomber.".

Finalement le coup de pouce vint en octobre quand les gouvernements allemand, canadien et norvégien lui accordèrent une subvention de 120 000 dollars. Dans le même temps, l'Autorité des Parcs de Kaboul donna a Skateistan un terrain dans une zone pauvre de la ville à une dizaine de kilomètres de la fontaine. Andreas Schützenberger, gérant la compagnie allemande IOU-Ramps qui a construit plus de 300  rampes de skate un peu partout en Europe, a prévu d'installer les plate-formes gratuitement quand Skateistan sera construit. Le permis de construire se fait attendre.

Mirwais, un adolescent de 16 ans, est sûrement le plus enthousiaste pour le skate park. Ayant quitté l'école à 8 ans, il a découvert les cours de skate depuis un parking où il lavait les voitures pour 4 dollars par jours pour aider sa famille. Oliver Percovich raconte qu'au début il était souvent défoncé à la colle. Maintenant, il est plus propre et gagne 8 dollars par jour en travaillant pour le projet Skateistan, en réparant les planches, servant de coursier et aidant les skaters lors des cours.

Les filles sont également encouragées à venir faire du skate. Sharna Nolan, une expatriée Australienne explique qu'ils essaient de rassurer les parents et d'éviter tout quiproquo. Ce qui n'est pas facile dans une société où beaucoup de familles sont très conservatrices et n'autorisent pas leurs filles à faire du skate et où les filles atteignant la puberté doivent se voiler et ne plus côtoyer des hommes en dehors de la famille. Oliver Percovich pense que son skate park indoor pourra régler le problème en faisant des classes séparées pour les garçons et les filles.

"Les familles restent prudentes et réservées à propos du fait de laisser leurs filles sortir" explique Muram, commentateur politique retraité, "c'est légitime, parce que les conséquences du régime taliban persistent encore dans les rues, et les hommes continuent à pouvoir faire ce qu'ils veulent aux femmes". Il pense que "ça pourrait prendre encore 10 ans pour que la situation devienne normale pour les femmes".

Si le skate park se construit finalement, Oliver Percovich souhaite que dans les douze mois qui suivent, il devienne la propriété des Afghans.

Si vous souhaitez aider Oliver et son Skateistan, ils ont une page How you can help sur le site web skateistan.org.