antigone

Théâtre de Nesle : Antigone, de Jean Anouilh

posté le 13 October 2009 à 19:17

AfficheLundi soir, il est 19h40 : une petite troupe de Centraliens quitte son nid pour assister à la mort d'Antigone. Parce qu'on le sait, qu'elle va mourir ; on veut juste savoir comment, et espérer que ce sera beau.

"C’est cela qui est commode dans la tragédie. On donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien, un regard pendant une seconde à une fille qui passe et lève les bras dans la rue, une envie d’honneur un beau matin, au réveil, comme de quelque chose qui se mange, une question de trop qu’on se pose un soir... C’est tout. Après, on n’a plus qu’à laisser faire. On est tranquille. Cela roule tout seul."

La pièce aura lieu à 21h00, dans un petit théâtre caché près d'Odéon, une salle enfouie sous une voûte de pierre qui servira tout à l'heure à l'enterrer, la noiraude révoltée. Ah, ça, le théâtre est beau, très intime : on se sent entre nous. D'ailleurs, la petite troupe a grossi, on est quinze maintenant, et ça commence. Le Choeur parle, tout près de nous sur la scène, et l'histoire se déroule. Créon entre, costume noir et manteau de cuir, imposant : c'est le roi. Antigone lui tient tête, elle, la petite : vêtue de blanc, en pantalon à la garçonne.
Elle va mourir, elle le sait depuis le début.  
"C’est reposant, la tragédie, parce qu’on sait qu’il n’y a plus d’espoir, le sale espoir ; qu’on est pris, qu’on est enfin pris comme un rat, avec tout le ciel sur le dos." Elle le sait, et elle le dit à Créon ; elle a fait ses adieux à son fiancé, un Hémon un peu trop bien coiffé peut-être, elle a fait ses adieux au monde.

D'ailleurs, ça n'y coupe pas, elle meurt. Mais avant, elle a eu le temps de parler, de crier à ce monde ce qu'elle avait sur le coeur, de dire non aux compromis, de refuser de "comprendre", de refuser de transiger. Elle l'a dit à Créon, son oncle qui lui explique qu'il n'y a rien d'entier, que tout est nuance, compromis, que l'intégrité n'est qu'un mot, et qu'être humain c'est l'accepter. Créon qui lui crie que c'est trop facile de mourir. Mais Antigone a dit non à tout cela, elle a dit non et elle meurt.
Et dans le public, on est plusieurs à avoir les yeux un peu humides. Parce qu'on avait beau savoir dès le début comment tout cela allait se terminer, savoir que les acteurs sur scène ne jouent qu'un rôle, c'est dur de ne pas céder à la beauté du texte d'Anouilh, c'est dur de ne pas y croire un peu, à ces mots qui sortent de la bouche de cette Antigone, de ce Créon, de ce garde trop bête et borné pour ne pas être humain. Parce que les acteurs avaient beau ne pas être exceptionnels, il étaient suffisamment bons pour nous faire croire un instant à tout cela, y croire pendant quelques heures.

Il est 23h15 : tout le monde est mort, et c'était beau.


L'accueil de l'asile.fr Les blogs sur l'asile.fr S'abonner au flux RSS des articles

Rechercher

Quelques mots ...

Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.

Articles importants