Comment se saborder en trois heures
Les citations ne sont pas restituées à l'identique, mais le message est le même. Pardonnez ma mémoire défaillante après trois heures d'assemblée et une bonne nuit de sommeil...
Hier avait lieu l'AG de l'université Lyon 2, sur le campus de Bron. Au programme, l'état des lieux, les perspectives, et ce que tout le monde voulait mais qui n'a été voté qu'en dernier, donner suite au blocage ou non. Quitte à subir quelques heures de lavage de cerveau.
En général, je n'aime pas le comportement « communiste », au sens galvaudé du terme, mais force était de constater qu'il y avait des bons arguments. Dans la théorie, je suis même d'accord avec eux. Dans la pratique, j'ai trouvé que le session d'hier était un formidable exemple de « comment arriver à perdre un combat gagné d'avance ».
Parlons-en, des arguments : les orateurs étaient pour la plupart charismatiques, clairs, relativement concis, avec des propos étayés par des exemples. Nous avons eu droit à des intervenants de divers pays, l'Allemagne, l'Italie, qui montraient bien que le projet du gouvernement est néfaste. Fort bien.
Pour autant, une argumentation efficace, ce n'est pas uniquement montrer là où le projet blesse, il s'agit également de démonter les arguments de l'opposition. Chose qui n'a pas été faite ici. On a donc eu droit à un LRU-bashing en règle pendant trois heures. Et si vous me dites qu'il n'y a pas de point positif à cette loi, et donc rien à démonter, il faut au moins le préciser. Pour ne pas qu'on aie l'impression de se retrouver face à un discours biaisé.
« Je vois plein de monde ici, mais je suis certaine que peu de monde a effectivement lu le texte de la LRU », disait une membre de la tribune.
Et c'est bien le but des actions de vulgarisation menées par les professeurs, mademoiselle. Avez-vous lu la constitution de la Vè république avant de voter ?
Coco chanel, le petit parfum de Lyon 2
Que serait une AG étudiante sans les communistes, au sens propre cette fois-ci ? On en a eu, du discours enflammé, passionné...populiste ? Populiste, oui.
L'aisance à l'oral sus-citée ne fait pas tout ; encore faudrait-il ne pas sombrer dans les mêmes travers que la caste que l'on critique. Une très belle intervention d'un étudiant tout acquis à la cause communiste nous l'a rappelé.
« Oui, j'ai lu Marx, et j'en suis fier » (déclaration appuyée par un autre intervenant plus tard)
Etre fier d'avoir lu Marx en 2009, dites-moi, il n'y a qu'en AG d'étudiants sympathisants que ça pourrait susciter une salve d'applaudissements. Le gouvernement n'en est pas encore aux autodafés, que je sache.
Ce jeune homme avait manifestement oublié que nous étions une AG pluri-politique. Par définition, une assemblée de ce genre se doit d'être respectueuse de tous les bords politiques pour obtenir la crédibilité qu'elle revendique.
En l'occurence, notre jeune premier l'avait oublié.
« Camarades (...) camarades (...) camarades ! »
Rires étouffés de l'assemblée, probablement plus suscités par le côté has-been de l'adage que par le côté propagandiste de l'affaire.
Non mon ami, je ne suis pas ton « camarade ». Merci de ne pas idéologiser le débat, ça évitera de nous polluer le cerveau avec une frénésie démagogique plus inquiétante qu'autre chose.
Le serpent se mord la queue
Certaines autres interventions ont passablement gâché l'ambiance.
« ...et tant pis si on n'est pas crédibles, on s'en fout d'être crédibles devant ce gouvernement ! » (sic, pour le coup)
Non, on ne s'en fout pas. Ma vieille, c'est bien de s'enflammer, mais il faut savoir maîtriser son discours.
« ...parce que c'est pas pour dire, mais yen a marre d'être gouvernés par des enculés de fascistes qui font que des conneries pour nous baiser, MERDE ! » (applaudissements nourris)
Ou comment devenir plus fasciste que les fascistes.
On notera aussi le système du temps de parole modifié à la lyonnaise, où chaque personne n'a pas un temps de parole égal sur la durée, mais un temps de parole égal pour chacun des sujets de l'AG. Ainsi, certaines personnes qui avaient des trucs à dire sur tous les sujets ont eu environ 15 minutes de parole. Tandis que d'autres, qui n'avaient de choses à dire que sur un sujet, n'ont eu que les trois minutes par défaut. Ce fut le cas de ce jeune homme très intéressant, qui pointait avec pertinence les défauts du blocage, qui s'est vu couper la parole « parce qu'il avait dépassé de 10 secondes le temps de parole ».
« Les bloqueurs entravent même les sorties de secours, ce qui est très dangereux pour les quelques étudiants qui restent ainsi que pour le personnel en cas d'incendie »
Réponse d'une bloqueuse : « Je, heum, enfin, si on bloque pas les issues de secours, heu, les anti-bloqueurs rentrent et causent des problèmes. »
Mais qu'est-ce que la sécurité des personnes quand on peut faire avancer la Lutte, hein ?
« Je vous vois, là, on doit bien être 2000, c'est le symbole que la lutte est plus que jamais présente ! »
Résultat : 500 pour le bloquage, 340 contre, 30 abstentions.
Poster un commentaire
Vous souhaitez commenter immédiatement ce billet. Vous ne pourrez pas l'éditer une fois envoyé.
Vous êtes membre ou souhaitez vous créer un compte sur l'asile.fr