Tit texte.

posté le 23 January 2006 à 02:38


Je me souviens lorsque je visitais pour la premiere fois l'appartement de John. C'était à peu pres un mois avant sa mort. Il s'était déniché un petit coin, m'avait il dit, qui était habituellement occupé par des étudiants.Je rentrais alors de Paris et je n'ai pas pu m'empecher de lui rendre visite à l'improviste.

Son repaire n'était pas bien grand, sans doute 15 ou 20 m², mais il ne lui en fallait pas plus pour écrire, dormir et manger. Apres avoir discuté de choses et d'autres, alors qu'un long silence s'installait, je tentais de relancer la conversation en lui demandant si ses murs blancs n'étaient pas trop déprimants.
"Tu devrais peut être accrocher quelques posters dans ton appart, déjà que ta fenetre n'est pas bien large, et qu'en plus, tu ne sors jamais de ton trou."

Il m'avait simplement répliqué qu'il n'avait pas envie de dépenser de l'argent pour des choses futiles, comme la décoration. Ah ! Si au lieu de hocher la tête stupidement je lui avais offert quelques unes des affiches qui trainaient dans mon grenier, peut etre que l'issue de cette histoire n'aurait pas été aussi tragique.

Je le recroisais par hasard à peine une semaine plus tard, et il m'invita avec empressement à prendre un café chez lui, souhaitant me montrer la derniere trouvaille qu'il avait faite pour décorer chez lui à moindre frais.
J'acceptais l'invitation, poussé par la curiosité : Etant moi même artiste, j'adorais découvrir les créations des autres. Il me fit entrer, ferma la porte derriere moi et me demanda de me retourner. Sur son entrée était punaisé une simple feuille de papier blanche avec écrit en son centre : "Magnifique panorama montagnard".

Avant que je pusse esquisser la moindre question, John me poussa vers la salle de bains et me désigna le plafond où étaient fixés quatres feuilles blanches, avec écrit au centre : "Les mysterieux et envoutants fonds marins.". La même chose dans sa cuisine, avec pour intitulé : "Quelques vaches dans la verte campagne". Et enfin, un dernier, au dessus de son lit "Le sahara infini".

"Vois tu, me fit il, il suffit de quelques feuilles et d'un petit effort d'imagination. D'un seul coup, n'est ce pas plus joyeux ici ?"

En tant qu'artiste, je trouvais cette forme d'art minimaliste très interressante. Avec un peu de concentration, j'arrivais moi aussi à voir dans l'appartement des cadres enchanteurs.
***

Je revis John quelques jours plus tard, et lui demandait où en était sa décoration.
"J'ai été encore plus loin, me confia t il. Apres avoir exploré le domaine visuel, je m'attaque désormais aux sons et aux odeurs." Il avait accroché un peu partout dans son appartement des papiers avec écrit "odeur de pin" et "Relaxants bruits d'oiseaux".

A ce stade là, j'aurais du me rendre compte de sa folie. Mais je ne voyais encore qu'un artiste inventif.
Les jours passerent, et John disparut. Habituellement, il ne quittait son nid que pour aller faire quelques courses en bas de chez lui avant de remonter taper sur son clavier, mais même son épicier ne le voyait plus.

Légerement inquiet, et constatant qu'il ne répondait plus au téléphone, j'allais lui rendre visite. Celui qui vint m'ouvrir la porte n'était plus que l'ombre du John d'il y a un mois. Maigre, livide, les traits tirés, il m'invita péniblement à entrer et me demanda si je voulais boire quelque chose.
"John, qu'est ce qu'il t'arrive ? Ca fait des jours qu'on ne te voit plus. Tu ne met plus le nez dehors.
-C'est simplement parceque je n'ai plus besoin de sortir. Tu te rappelles cette histoire de décoration ? En fait, il n'y avait aucune limite." Il porta sa tasse de café, qui me semblait vide, à ses levres. Etonné, je regardais dans ma propre tasse. J'y trouvais un petit morceau de papier où il était écrit : "bon café chaud".
D'un seul coup, je compris où il en était arrivé. Je bondis sur la porte du frigo,et en fit jaillir une myriade de petit papier qui retomberent comme des confettis, avec inscrit "yahourt, paté, fromage, petit suisse, jambon, compote..." Idem dans tout ses autres placards. Ils étaient tous bourrés à craquer de petits papiers ridicules où était écrit des noms d'aliments.
Sur sa table de chevet reposait une feuille blanche froissée portant la mention "livre tres interressant".
Touche finale, de ses couvertures dépassait le bout d'un papier où l'on pouvait lire "Belle femme langoureuse et...".

"John, tu ne vas pas bien, lui dis-je tristement. Tu vas beaucoup trop loin, il faut que tu arretes."
Pour toute répose, il souleva son tee shirt et laissa apparaitre un post it marqué "John en très bonne santé".


C'est lorsque je revins le lendemain avec un médecin que nous trouvâmes John mort. Rupture d'anévrisme, il parait. Je fut le seul à remarquer la feuille, à coté de son corps gisant sur le carrelage, où il était écrit : "Passage vers un monde merveilleux où les problemes d'argent n'existent pas."
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Commentaires

Blade_Runner a dit :
posté le 23 January 2006 à 02:39
(Ceux qui sont pas content je les défonce à UT2K4.)

G_T_O a dit :
posté le 23 January 2006 à 10:27
T'aurais pû revenir dans l'heure avec ton médecin, salaud !
Sympa sinon ta ptite nouvelle.

Ceacy a dit :
posté le 23 January 2006 à 18:56
Félicitations ! Si je n'étais pas sous morphine, je serais jaloux.

ffiixx a dit :
posté le 23 January 2006 à 21:42
Plutôt sympa !
Ça m'a fait penser à la vieille de requiem for a dream.

lazykiller a dit :
posté le 23 January 2006 à 23:25
très bon, continue!

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