Chroniques d'une histoire annoncée (3/x)

posté le 04 October 2006 à 17:38
Maman,

Ne t'inquiète pas pour moi, ici tout va bien... enfin pas trop mal.

En fait la première semaine a été plutôt calme, on faisait tranquillement notre petite marche quotidienne sous les regards des membres du Comité de Repression Social. A la fin ça dégénérait toujours un petit peu entre les casseurs et les CRS mais en général nous étions bien loin. Tu as certainement vu ces images à la télé avec comme commentaires que les jeunes étaient violents et ne voulaient pas gerer le conflit pacifiquement, ça au moins ça change pas : ques des conneries à la télé.

Après c'est devenu un peu plus dur car les CRS avaient comme ordres de charger au moindre signe suspect dans le cortège. Enfin les gars comprenaient bien notre situation et se contentaient de bousculer un peu les plus excités.
Ils nous ont prévenu quand ils ont massivement refusé de continuer, parce que leur hiérarchie leur avait demandé d'y aller plus franchement, de mater cette petite fronde à coup de matraque. Du coup on s'attendait un peu à ce qui allait suivre.

Tu y crois à ça toi ? L'armée dans Paris, chargée de maitriser les foules ? Et ce qu'on voit pas à la télé mais qui saute aux yeux pendant les manifs c'est que l'encadrement est même pas militaire, ce sont des civils qui tiennent les rennes. On murmure que ce sont des responsables de la sécurité du gouvernement (même d'avant, du temps du FN), on parle déjà de ressurection de la Gestapo. Alors evidement c'est parti en sucette.

Dans les nombreuses occasions ou l'on a demandé aux hommes en kaki de gérer des foules que ce soit dans n'importe quel pays ça n'a jamais marché, et il y a eu des catastrophes à chaque fois. C'est pourtant logique : ces gars ne sont pas entrainés pour ça. Là ou les CRS secouaient, arrachaient un casseur de la foule ; les militaires cognent et comme des brutes. Pour l'instant on a juste le droit aux flashballs, lacrymos et coups de crosse, mais tous on a un peu peur de l'escalade.
Pour le coup on a vraiment eut l'impression que le mouvement se mourrait, les rang se vidaient par peur et puis il y a eu la "connerie", de celles qui mettent la rage.

Immédiatement après les manifs du jour, nombreux sont ceux qui s'empressaient de publier des photos des passages à tabac dans les forums, sur les blogs et tous les moyens multimédias, d'autres racontaient leurs expériences du jour et ainsi ce que l'on ne voyait pas aux infos arrivait à sortir de la Capitale.
Tu ne t'en rends pas compte comme 90% des internautes occasionnels mais aujourd'hui en France il est impossible de mettre quelque chose sur le net. Tout ce qui part d'un foyer Français vers un site est filtré, à tel point que plus rien ne passe. Les Forums sont morts, les chats désertés, les messageries instantanés comme MSN inaccessiles et tous les moyens de communications détournés injoignables. Alors evidement toi tu peux surfer tranquillement, lire tes mails, en envoyer peut être (ici rien à faire), mais si tu essayes, il te sera impossible de communiquer directement.
En fait c'est ça qui nous a sauvé, avec la coupure des communications beaucoup se sont indignés et commencent à fair parler d'eux mais le plus marrant c'est que l'intégralité de la communauté de joueurs en ligne nous à rejoint. On n'arrive même plus à loger les milliers de Joueurs de Wow qui débarquent tous les jours la rage aux ventre. On dirait des drogués en manque de came, vu leur look de zombies on les appelle "la horde".
Maintenant on est tellement nombreux que les militaires osent même plus sortir de derrière leurs barricades. Demain pour déconner on a décidé de changer notre trajet, histoire de mettre un peu plus de bordel voir si on peut faire plier quelque chose.

Voilà c'est pour tout ça que je t'écris (à la main et certainement avec autant de fautes que de mots), pour te dire que je ne peux pas revenir tant ce que nous faisons ici est important. Parce que si aujourd'hui pour le tout à chacun ça n'a pas l'air grave, demain ce sera l'occupation de la France par les "FRANzis" et que ça paraitra normal si tu perds ton job parce que tu n'es Française que depuis 2 générations.

Je t'embrasse
Ton Fils qui t'aime.
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-"Hé Trotsky, mortel ton paragraphe de fin, j'ai failli chialer. Enfin je pouvais quand même pas lui dire que je préferais rester parce que j'ai jamais autant éclaté de bombasses de toute ma vie et que je suis défoncé H24. Casto t'as pas un timbre ? merci. Sophie et Agnès vous pouvez venir voir le projet de tracts pour le métro dans la salle des copieurs ? oui oui apporte des coussins."
tags : môman

Commentaires

KtuLulu a dit :
posté le 04 October 2006 à 21:30
Incroyable comme j'ai l'impression que tu dépeins Paris comme une ville en guerre, soumise à un joug économico-militaro-armé... ou alors d'une sorte de prison comme dans New-York 1997.

PS: et, au fait, très bon, ton tekste. Du vécu ?

SimOOn a dit :
posté le 04 October 2006 à 21:47
J'aime bien même si je trouve que ça manque de métaphores dont tu as le secret.

AlbertE a dit :
posté le 05 October 2006 à 14:52
Ha ha ha, j'adore la chute.

Kosogu a dit :
posté le 22 October 2006 à 10:41
La suite ?

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