Miso Soup

posté le 21 March 2006 à 16:46



Tu l’as appris en DS de français, les citations ça fait classe et ça meuble. Et comme sur l’Asile il faut meubler pour éviter que tout le monde ne se rende compte que c’était mieux avant, alors meublons :


« La littérature consiste à traduire les cris et les chuchotements de ceux qui suffoquent, privés de mots…En écrivant ce roman je me suis senti dans la position de celui qui se voit confier le soin de traiter seul les ordures »


Celui qui fait l’éboueur c’est Murakami Ryu. Et question ordures, il en connaît un rayon.

Sa première benne il l’a déchargé avec Bleu presque transparent en 1976. Ça collait bien avec l’air du temps : Une descente dans le rectum d’un Tokyo décadent entre sexe moite, drogues mutilantes et rock’n roll enivrant. On est en plein No Future glauque et sans issue. Dans ce bouquin tu es tout seul à regarder les autres tomber, et ils tombent bas, très bas. Pas de fioritures, pas d’élégance dans la chute, c’est sale, ça sent mauvais, comme Tokyo. Eux, c’est une bande de jeunes qui se défoncent et s’abîment avec un certain acharnement, parce que de toute façon ils ne savent pas ce qu’ils font là et qu’il n’y a personne pour les aider. Ce n’est pas le fait d’être ensemble qui leur plaît, ils se retrouvent pour le côté pratique : le cul et la drogue reviennent tout de suit moins cher (un peu comme les AsileCon). Ils aimeraient bien une petite bouffée d’air pas trop vicié à respirer de temps en temps, mais il n’y a rien.


Murakami Ryu je l’ai découvert sur les conseils d’un ami qui cherche à cultiver une certaine idée esthétisante de la contre-culture décadente. Une fois refermé le bouquin, la tête bien sonnée et une légère odeur de soufre dans les narines, j’ai eu envie de poursuivre ma balade sauvage dans cette société japonaise post-hiroshima dépeinte par Murakami.
Je l’avoue volontiers, il y a sûrement un côté voyeur à regarder les hommes tomber, tranquillement assis chez soi, entre une bière de mauvaise qualité et deux riffs de Hendrix.


Le second roman que j’ai arpenté porte le doux nom de Les bébés de la consigne automatique.
530 pages, interligne 0.5, presbytes interdits.
En fait de roman, on se rapproche plutôt de la saga manga comico-tragique où l’on suit en parallèle le destin de deux enfants abandonnés par leurs indignes de mères dans une consigne de gare (d’où le titre). Deux vies qui se font écho où, l’un dans la réussite et l’autre dans l’échec (et vice-versa), ils essaient de survivre dans un monde agonisant, passant tour à tour du statut de victime à celui de bourreau. Salué à la sortie de la traduction anglaise par des réalisateurs comme Roger Corman ou Quentin Tarentino pour la qualité de son écriture, et pour son style très visuel, ‘Les Bébés de la consigne automatique’,est un huis-clos mental, insalubre et flamboyant que je vous recommande chaudement.


Miso Soup: Le dernier livre de Murakami dont je vous parlerai raconte l’histoire d’un jeune japonais de vingt ans qui gâgne sa croûte en guidant les touristes en mal de sensations dans LE quartier louche de Tokyo, le Kabukichô. Cette fois ci il s’occupe de Franck, un américain qui le paie grassement. Frank est bizarre et Frank a vraiment l’attitude de l’assassin pervers de prostitués. Pendant trois nuits et trois jours ils vont jouer au chat et à la souris dans les bouges et les karaokés de Tokyo. Comme les précédents, un livre très bien écrit, scotchant de la première à la dernière page, qui nous emmène renifler la cuvette de notre modernité. Plus léger : 270 pages.
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Commentaires

Kuro a dit :
posté le 21 March 2006 à 16:52
Ils ne sont pas jumeaux et pas abandonnés par la même mère les bébés de la consigne automatique, mais c'est excellent.

lazykiller a dit :
posté le 21 March 2006 à 16:56
bien vu - corrigé

Kuro a dit :
posté le 21 March 2006 à 23:38
Il soulève pas les foules cet article c'est bien dommage.

Personnellement j'accroche assez moyennement à la majorité des bouquins que j'ai lu de lui... ce qui ne fait que deux sur trois :
- Bleu presque transparent, ne m'a pas enthousiasmé des masses, et pour cause je suis plutôt un pisse-froid rationaliste, et ses personnages ne m'ont pas vraiment touché ;
- l'autre, Parasites est emprunt des même thèmes que ceux que tu mentionnes plus haut, sombres et violents. On y découvre l'histoire d'un hikikomori qui sort peu à peu de son isolement convaincu par une secte que le parasite qu'il croit héberger, le désigne pour tuer ses semblables et provoquer la disparition de l'espèce humaine. C'est le parcours d'un candide paranoïaque et violent en quelque sorte, et Murakami y traite des liens particuliers et décousus qu'entretiennent les japonais avec leur histoire récente, mais aussi de la déshumanisation de leurs rapports entre eux. Plaisant mais pas exaltant.

Contrairement aux Bébés de la consigne automatique. Un truc magnifique, une démonstration époustouflante d'un idée de départ simple : et si c'est une machine qui donne vie à des enfants, comment ces fruits du métal, du béton, vont-ils grandir ? Disons que le complexe d'Oedipe se passe assez mal.
A lire.

Ryolait a dit :
posté le 22 March 2006 à 06:59
J'en avais entendu parler de cet auteur et Les bébés de la consigne automatique me fait de l'oeil dans ma librairie. En tout cas ton article est intéressant et m'a donné envie, donc...
Je dois dire qu'en auteurs japonais, je ne connais que Yukio Mishima (enfin, "que", c'est quand même pas un mauvais lui...) et Haruki Murakami, mais on peut voir que les auteurs japonais ont du mal à arriver en France, du moins ceux du genre de Murakami Ryu.

Kuro a dit :
posté le 22 March 2006 à 07:31
Les éditions Philippe Picquier se sont spécialisées dans l'édition d'oeuvres asiatiques, et mine de rien leur catalogue est assez fourni. Quant à Haruki Murakami ce gars mérite aussi qu'on lui écrive un putain d'hommage.

Edit : et depuis le temps que je n'avais pas vérifié, ils se sont dotés d'un site web

lazykiller a dit :
posté le 22 March 2006 à 12:52
Murakami Ryu est le seul auteur japonais que je connaisse pour l'instant. On m'a dit grand bien d'Haruki Murakami.
Je trouve que le style de Murakami Ryu est interessant et dénote de la littérature occidentale (semi-lapalissade). Les thèmes abordés ne me sont pas communs et la structure des personnage est, à mon goût, novatrice (question de culture sûrement)



@Kuro: bon apparement la littérature japonaise les gens s'en foutent, j'aurais du faire une review de prOn, un article sur un logiciel de recettes gastronomiques ou vanner sur les autistes...m'enfin bon.

KtuLulu a dit :
posté le 22 March 2006 à 13:51
lazykiller a écrit :
une review de prOn


Où ça ? Où ca ?

lazykiller a écrit :
j'aurais du faire une review de prOn


Aaaaah. Okay !

Ton résumé du bouquin est bien alléchant quand même (free support)


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