Il fallait que je le dise.

posté le 20 August 2008 à 19:40
La santé de ma grand mère était depuis un moment l'une de mes préoccupations.
Mon chômage le permettant, pendant six mois, je passais chaque midi à ses côtés pour profiter de sa présence et vérifier qu'elle prenait bien tous ses médicaments.

Sa mémoire était par moment défaillante, mais dans l'ensemble, tout allait plutôt bien pour son âge (plus de 90 ans).
Elle s'étonne souvent de passer ses journées à courir partout et à faire le ménage et la cuisine. Non pas que ces activités lui déplaisent, c'est surtout le fait qu'elle en ait encore la capacité physique qui l'étonne.

Peu avant que l'Asilecon prenne place, son alzheimer s'est déclaré.
Elle ne se souvenait plus du départ de ma soeur pour Hong Kong (elle doit y rester deux ans), ni de l'endroit où je me situe géographiquement.

J'ai profité du pont du 15 aout pour le passer à ses côtés. Elle ne va pas bien. Outre sa mémoire qui s'amenuise à une vitesse folle (elle me pose plusieurs fois par heure la même question), son sens de l'équilibre la fait également souffrir. Je ne sais pas si c'est dû à la même maladie, ou si c'est le fait de son foie (qui la lâche chaque année à la même époque, comme elle me dit, sauf qu'elle souffre une semaine par mois depuis mars de cet étrange mal), mais elle voit tout tanguer autour d'elle, ce qui lui donne des nausées.
Elle ne mange donc plus, certains jours, et refuse de boire.

C'est simple, si personne n'est auprès d'elle pour le lui dire, elle pourrait très bien rester sans boire ni manger pendant deux jours.

Je me suis longtemps dit "Si la mémoire disparaît, ce n'est pas un problème. Je reste à ses côtés pour le bon moment que nous passerons, et même si elle l'oublie, l'essentiel sera qu'elle l'aura vécu".
Et pourtant.

Et pourtant quelque chose n'en finit pas de me faire souffrir: c'est qu'elle est consciente de sa condition. Elle sait et vit impuissante la perte progressive de sa mémoire.
Comment fait elle pour continuer à sourire et rire avec nous ? Comment fait elle pour être toujours si spontanée et gentille ? Comment fait elle pour ne pas craquer, envoyer chier le monde et s'enfermer sur elle même ?
Je n'en sais rien, mais j'admire le courage et la grandeur d'âme littéralement surhumaine dont elle fait preuve à chaque instant.
Je ne serai jamais capable d'en faire la moitié.

Mais tout ça, je n'oserai jamais le lui dire.
tags : dire, le

Commentaires

Gatling a dit :
posté le 20 August 2008 à 22:12
Je te souhaite bien du courage.

Ma grand mère paternelle est dans le même cas.

ça pourrait être drôle : elle se croit parfois en 1945, elle nous parle des anglais, de la libération...

Bien évidemment c'est pas drôle du tout.

Par contre sa mémoire immédiate va très bien, aussi elle peut soutenir une conversation sans problème.

Halalala, j'espère "bien" vieillir.

Zeb a dit :
posté le 21 August 2008 à 00:49
Bon courage pour tout ça! L'Alzheimer de ma grand mère maternelle a duré longtemps, très longtemps. Jusqu'au bout elle nous a reconnu ("nous" = moi et mes 2 frères) certes elle ne savait plus nos noms et tout ça mais dans les yeux il y avait "l'étincelle" qui nous faisait comprendre qu'elle savait. Je ne regrette pas d'avoir fait des bornes à l'époque, d'être allé dans des endroits bizarres plein d'autres gens bizarres pour passer quelques minutes avec elle, quelques minutes qui les aide énormément! La rassurer, les moments de lucidités s'espacent au fil du temps (et ils deviennent de plus en plus pénibles malheureusement) mais qu'elle sache que pendant ces moments là elle n'était pas toute seule est important.

C'est pas évident à gérer tout ça, personnellement, et pour elle avant tout. Mais ça en vaut le coup.

PS: Le refus de boire est courant et normal, sauf qu'à cet âge ça pardonne pas. Je me souviens que faire boire ma grand mère à l'époque (il y a une dizaine d'années) devenait une grande épopée.

Gatling a dit :
posté le 21 August 2008 à 09:28
Moi elle m'a pris plusieurs fois pour mon père. C'est un peu déstabilisant mais bon.

Pis pouf l'instant d'après, je suis redevenu son petit-fils.

JustineF a dit :
posté le 21 August 2008 à 09:32
Je comprends assez ton désarroi, Celibatman
La dernière fois où j'ai vu ma grand-mère (je ne l'avais pas vue depuis plusieurs années ; c'était assez compliqué comme histoire), au début elle ne m'a pas reconnue, puis elles s'est mise à pleurer quand elle a compris qui j'étais, et au cours de cet après-midi, elle a commencé à me dire qu'elle n'avait plus de raison de vivre depuis la mort de mon grand-père, et enfin elle m'a raconté la même histoire en boucle une 10aine de fois.

Ce n'était qu'une après midi, et j'avais trouvé ça assez éprouvant, déjà.

Je te souhaite beaucoup de courage, à toi ainsi qu'à toute ta famille.

gwendal a dit :
posté le 21 August 2008 à 09:54
Je crois qu'il n'y a pas grand chose à dire, seulement que tu fais bien de t'occuper de ta grand mère.

J'ai perdu un grand père alors que j'avais 16ans environ, j'étais en pleine adolescence et je n'allais pas souvent le voir alors que je l'adorais. Je me le reproche très souvent.

Il me racontait à chaque fois ses souvenirs d'enfance, la guerre, et des histoires d'une époque que je n'ai pas connu. Il était agréable à écouter et à aucun moment il n'était ennuyant. J'aurais aimé encore passer de longues heures à l'écouter, mais le pauvre est mort trop rapidement.

La meilleur chose que tu puisse faire c'est d'aller voir ta grand mère pour en garder le meilleur souvenir et qu'elle ne soit pas seul face à cette saloperie de maladie.

Bon courage est soit aussi fort qu'elle .


hohun a dit :
posté le 21 August 2008 à 11:08
Je ne serai jamais capable d'en faire la moitié.


Ca aussi c'est toujours ce qu'on dit, et pourtant...

groove_salad a dit :
posté le 21 August 2008 à 15:45
Moi, ma grand mère me prend pour un cave ... Le problème, c'est qu'elle a encore toute sa tête.

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