Que faire de ma vie ?

posté le 28 May 2007 à 13:32
Ma première année à l'université (philo + français) est un échec, je ne vais plus en cours, je n'irai sûrement même pas me présenter aux examens, tellement ça m'ennuie...
Les raisons en sont multiples, et pas spécialement intéressantes. Je suis loin de ne pas avoir les capacités (c'est les lettres hein !), mais les cours m'emmerdent, tout ce que je dois faire est chiant au possible, et ça me ressort par les trous de nez. C'est encore pire que le lycée, pour tout dire. Mais je me suis forcé, et tant que j'allais en cours, je tenais encore le coup... jusqu'à ce que je ne me force plus.
Je ne m'attendais pas du tout à ça, et cette année a été scolairement la pire de toute ma vie...
Bref, il faut que je décide ce que je vais faire l'an prochain.
Mes options et envies sont - seraient - les suivantes :

- Recommencer, pareil. La queue entre les jambes, mais sans problèmes, après tout ça n'est pas difficile, et puis je sais déjà ce qui m'attend... Par contre, niveau moral, j'aurai sûrement l'impression d'être une sous-merde d'avoir raté un truc aussi facile...

- Recommencer, un peu différemment. L'avantage étant que je pourrai toujours dire que je n'étais pas satisfait de mes branches, et je serai quitte de me retaper les mêmes cours une seconde fois... Le prob, c'est que je ne sais même pas si les autres branches ne seront pas pires, au fond j'aime le français et la philo...

- Recommencer, un tout autre truc. Genre faire du droit ou de la psycho, de la médecine ou des sciences... Mais quoi ? Et si ça m'ennuie ? Et après ?

- Changer d'univers. Quand j'étais plus jeune, je faisais encore pas mal de graphisme, et en faire mon métier me motiverait peut-être plus que de faire prof... seulement je suppose que l'entrée n'est pas forcément facile, et il faudra que je trouve une bonne école pas trop loin de chez moi, ou alors déménager pour de bon...

- Prendre une année limite sabbatique, un petit boulot super chiant, que j'aie le temps de réfléchir à que faire ensuite... mais tout le monde semble d'accord pour dire que le temps presse et que ma mort est proche (surtout mon père)

- Me barrer dans une association humanitaire à la con. Ca c'est l'idée du siècle : je pars une année sauver mon prochain en creusant des puits en Afrique. C'est un peu fou, parce que je n'ai jamais parlé d'humanitaire à mes proches, parce qu'au fond (comme presque tout le monde) je m'en fiche un peu, des pauvres, parce que c'est dangereux aussi... Mais les avantages seraient multiples : je n'aurais pas à me demander si je fais quelque chose de bien, mes proches ne pourraient pas vraiment contester ma décision, je serais utile pendant une année, tout en ayant un peu le temps de choisir que faire à mon retour...
Et puis je verrais du pays, un autre continent (ouais je suis jamais sorti de mon Europe natale, la lose hein ?)...



Il ne me reste plus qu'à prendre ma décision... Tout en gardant à l'esprit que cette année a été d'un chiantisme mortel. A noter que la liste ci-dessus est dans l'ordre des probabilités... je suis sûrement trop fainéant pour suivre la dernière option...
Allez savoir... et toi, lecteur, que ferais-tu ? Qu'as-tu fait ? Pourquoi ça plutôt qu'autre chose ?

Rampage

posté le 25 May 2007 à 17:57
Les gens sautent, se poussent, crient, hurlent même, ils tentent désespérément de sauver leur vie : certains y arrivent, d'autres pas. David a déjà écrasé 8 personnes, et il lui reste suffisamment d'essence pour le reste de la journée. Il s'est décidé ce matin-même, quand il a été viré par son patron ; sa vie est ruinée, il n'a rien à perdre. Son but est simple : mourir en emportant le plus de monde sur son passage. C'est l'hégémonie de l'individualisme : un homme ne se contente plus de se suicider, il voit dans sa pulsion de mort une vérité absolue que chacun devrait suivre. Il s'imagine que son jugement devrait s'appliquer à tous, et s'il pense mériter de mourir, alors le monde doit suivre la même logique. Si des jeunes le font dans les lycées, pourquoi pas lui ? Après tout, il a plus d'expérience, et puis il a sans doute plus souffert. S'il le pouvait, là, il supprimerait d'un geste l'humanité qu'il déteste autant que lui-même, parce que sa haine dépasse son égo, parce qu'il a envie de dévaster le plus possible, et le plus possible, c'est toute sa race. Mais il n'échappe pas aux règles de cette même race : il lui faut un but. Si son but était de se suicider, il l'aurait déjà fait ; non, il écrase des gens. Ceux sur qui il roule sont en quelque sorte des bonus, son vrai but est d'arriver quelque part.
Où ? Il ne le sait pas, mais il s'y dirige. Le plus vite possible, et déjà il entend des sirènes de police, qui lui hurlent d'accélérer encore. Au loin, il aperçoit un centre commercial, il se dit que c'est un bel endroit où mourir. Il ne peut plus accélérer, mais les quelques personnes qu'il va écraser vont le ralentir, et son pied aura à nouveau de l'effet sur son moteur. Deux morts de plus ! se dit-il avec joie. David n'est plus humain, il n'est même plus un prénom, il est un monstre à l'égo explosif, un égo qui vient d'arracher les portes en verre du centre commercial et qui sait déjà où foncer ensuite. Les morts sont de plus en plus nombreux : des étagères s'effondrent, les produits de beauté tombent par milliers sur d'innocentes jeunes femmes. Plusieurs vendeuses ont été fauchées par son pare-choc, qui est maintenant complètement couvert de sang. Tout hurle derrière lui, tout s'affole devant lui. Il s'amuse, parce que la situation est aussi grotesque pour lui qu'elle est horrible pour les victimes. Il ne sait pas vraiment pourquoi, peut-être parce qu'il ne peut plus comprendre la réalité qui défile devant ses yeux. Finalement, il arrive au coin bricolage, en fait le tour deux fois, écrase un petit enfant et sa grand-mère, puis finit par trouver ce qu'il avait cherché : des bouteilles de gaz. Il s'arrête.
Dans son coffre se trouvent quelques armes : un pistolet automatique avec lequel il faisait du tir le dimanche, son fusil d'assaut, meilleur ami de ses jeunes années à l'armée, ainsi que quelques couteaux de cuisine. Il met son fusil sur son dos, son pistolet dans sa poche, deux couteaux à sa ceinture. Il s'approche des bouteilles de gaz, déniche les plus grosses, en détache deux. A grands coups de pied, il les fait rouler devant lui. Cependant, bien que son esprit s'imagine être une bête à tuer, il ne peut tout à fait refouler son éducation, son humanité, sa compassion naturelle pour les autres. Son estomac est le premier à se rebeller : lorsqu'on s'attaque à l'homme, ce sont toujours les estomacs qui gémissent le plus. Pendant un instant, il croit s'évanouir, mais il entend soudain un garde de sécurité du centre commercial qui l'interpelle. Il se trouve à environ vingt mètres de David ; la main sur son pistolet, encore dans sa fourre, il lui demande de déposer toutes ses armes sans résistance. Le pauvre homme a mal évalué la situation, et David se trouve réveillé de sa torpeur. Sa survie est en jeu, son cerveau estime qu'il n'est plus temps pour les remords humains.
Ils dégainent, mais seul David ose appuyer sur la gâchette : une balle s'est instantanément précipitée dans la poitrine du gardien, qui en meurt presque sur le coup. Le coup de feu a effrayé tous les sons alentour, et l'endroit respire déjà la mort. David ne s'en inquiète guère, et il continue à pousser les bombonnes de gaz vers l'entrée, d'où il remarque les voitures de police qui s'approchent du bâtiment. Il court se cacher derrière une étagère mettant en valeur divers outils électriques, tout en observant la situation. Quelques policiers s'approchent, et calment une foule qui s'attroupe, avide de sueurs, quelle que soit leur nature. Alors que les hommes en uniforme passent près des bombonnes de gaz, inutilement prudents, David se montre et tire quelques balles dans les bombonnes. L'explosion a plus d'effet sur lui qu'il ne l'imaginait : il est soufflé en arrière, et n'entend plus un bruit.
Le feu de l'explosion se répand, et finit inévitablement par atteindre les autres bombonnes. Bien que déstabilisé, David se rend compte qu'elles n'explosent pas instantanément, tire encore quelques balles qui produisent l'effet escompté. Le feu rend l'entrée impraticable, dans un sens ou dans l'autre, et David décide de sortir par les fenêtres. Il s'occupe d'elles à l'aide de son pistolet, en profite pour tirer sur le plus de gens possible, qui passent du statut de spectateurs à celui de cadavres en un instant. Les survivants tentent de déguerpir, certains y arrivent, d'autres n'en ont pas le temps. David constate avec plaisir que l'explosion a tué beaucoup de monde, et s'est occupée de la plupart des policiers. Il ne les compte pas, mais une vingtaine lui semble être une estimation raisonnable. D'après ses propres statistiques, il doit être proche de la cinquantaine de morts depuis le début de la journée. Il est satisfait.
Plusieurs voitures de police accompagnées de voitures de pompiers arrivent, leurs sirènes écrasant le cerveau de David. Cette fois, il sait qu'il ne s'en tirera pas : ses adversaires sont trop nombreux. Peut-être lui proposeront-ils de se rendre ? Les hommes sortent des voitures qui viennent de s'arrêter, et lui parlent au lieu de lui tirer dessus. David n'écoute pas, mais il a déjà compris ce qu'ils voulaient de lui. Il ne se rendra pas, inutile de discuter. Depuis le début, lorsqu'il a commencé à tuer, il était évident qu'il ne se laisserait pas prendre, et que tout devait finir par sa mort. Lorsqu'on n'a plus rien à vivre, plus rien n'a d'importance ; mais s'il faut survivre plusieurs dizaines d'années, qui voudrait les passer à l'ombre ? Ne vaut-il pas mieux quitter sa vie définitivement, plutôt que de la remplacer par l'absence de liberté, la peur, l'ennui ?
Sur cette belle pensée, David se tire une balle dans la tête. Son corps choit, les policiers sont incrédules : le spectacle qu'il leur a laissé est odieux, presque incroyable. Le reste des hommes le reniera, le prendra pour un fou, tous les médias, comme à leur habitude, s'en donneront à coeur joie. Des psychologues discuteront de son cas, mais ne comprendront jamais vraiment. Ils diront qu'il n'était plus vraiment un homme, parce que c'est rassurant : nous, nous sommes des hommes, et n'en arriverons jamais là. Mais David était bel et bien un homme : s'il a tué, c'était parce qu'il était trop humain, pas l'inverse. Parce qu'il souffrait, parce qu'il avait peur, parce qu'il avait envie de posséder, parce qu'il lui arrivait d'être haineux. Son nihilisme, compréhensible dans l'absolu, incompréhensible dans l'homme ; sa prise de conscience - déjà vieille - de l'inutilité de l'existence ; et finalement son absence de but satisfaisant l'ont amené au chemin le moins compréhensible qui soit.
Qu'il y ait encore des nihilistes semblables à David, peu importe. Que des hommes encore confiants souffrent des actes atroces des nihilistes, voilà le problème. Le nihiliste voit grand, mais n'est qu'un homme : c'est toute l'humanité qu'il faudrait supprimer. Lui arracher des morceaux de chair ne fait que la rendre plus forte, plus bête, plus vivante. Tant que nous ne serons pas tous nihilistes, les nihilistes qui passent à l'acte ne feront que donner des coups dans le vent. Quelle ironie ! Ceux qui clament que la vie n'a pas de sens ne font ainsi que l'affirmer encore, lorsqu'ils agissent pour l'ultime fois...


Oui, ce n'est pas très joyeux, mais je ne suis pas très joyeux non plus.
tags : rampage, texte

ButterFly (Wallpaper)

posté le 22 May 2007 à 16:20
100% Photoshop (CS2), il me fallait un Wallpaper, voilà le résultat :



Ca m'a bouffé ma nuit ! :)
Si ça intéresse quelqu'un, je peux le redimensionner correctement en 4:3 (là il est en 16:10 parce que fait sur mon portable).


Et dans le même domaine, il faudra que je m'occupe de la css de ce blog, déjà parce qu'il est moche (ouais), mais aussi parce qu'il est pas très lisible. A l'occase.

L'orage

posté le 21 May 2007 à 22:22
Le soir avait été rattrapé par l'orage, et les nuages avaient fait leur oeuvre. La nuit était déjà là, mais une lumière sombre et légèrement verdâtre planait tout de même encore sur la ville. Bien que cette dernière avait sursauté lors des premiers coups de tonnerre, elle s'était bien vite habituée aux chocs de lumière qui, périodiquement, l'éblouissaient. Alphonse adorait l'orage : il avait l'impression que la nature se fâchait avec violence et fracas, qu'elle hurlait et explosait sur ce qui la dérangeait, qu'elle s'efforçait de submerger sous des flots noirs le monde des hommes...
Dans son esprit, cette opération était étrangement indissociable des explosions lumineuses et sonores. Une petite pluie grise sans éclairs, c'était mélancolique, triste, pénible ; pour le réjouir, il fallait aux moins de grands traits brillants pour strier le ciel, dont les flashs photographiaient ses semblables, les prenant sur le fait, coupables. C'était lorsque Zeus en personne s'invitait sur Terre sous la forme de harpons foudroyants qu'Alphonse appréciait l'extérieur plafond de sa vie ; dans tous les autres cas, les faits et gestes du ciel l'ennuyaient ou le déprimaient. Pas seulement la petite averse tristounette, comme c'est le cas chez la plupart des gens, mais aussi le grand ciel bleu des beaux jours, la nuit légère et étoilée, les crépuscules rougeâtres aux nuages plissés, semblables à de doux tapis qu'on n'aurait pas déroulés complètement, les troupeaux de cumulus orange qui peuplent parfois les espiègles printemps...
Au milieu de la panoplie de répliques que pouvait arborer ce monde indépendant du bon vouloir de l'humanité, il n'y avait que la tempête passionnée qui séduisît vraiment et durablement l'âme d'Alphonse. Elle était comme une maîtresse impitoyable, aimante et punissante. Au fond, s'il avait pu choisir, il aurait volontiers écrasé cette civilisation sous la violence du ciel, noyé les hommes dans leurs immeubles rugueux, sans même en sauver un de chaque sexe...
Contre la vitre, les cadavres de gouttes d'eau ne trouvaient même plus la force de glisser. Derrière elle, le néant ; il y faisait si sombre qu'on en aurait cru la lumière aspirée par un étrange maléfice, et Alphonse serait peut-être allé s'y mirer si sa chambre avait été mieux éclairée. Dorénavant, le soleil ne tenterait même plus de percer les nuages, qui régnaient ainsi en maîtres sur la ville plongée dans le noir jusqu'au petit matin.
Couché sur son lit, il observa quelque peu son plafond blanc : uniforme et lisse à distance mais instable, creusé par un million de vers invisibles vu de près, caractéristique inhérente au solide crépi blanc qui recouvrait la plupart des maisons dans lesquelles il avait mis les pieds, sans trop d'exception, s'il se souvenait bien.
Il se retourna, ventre contre matelas, laissa pendre un instant son bras à côté du lit en bois vernis, soupira. Le bras pendant se mit tout à coup à remuer, sans but apparent, présentant de nombreuses similitudes avec la démarche anarchique de ces fourmis qui se déplacent souvent sur le béton en été, inconsciente, imprévisible. Il cherchait. Pendant un instant, il ne se rappela plus exactement quoi, mais lorsqu'il planta sa main sur la punaise rouge qui se trouvait parmi la poussière volumineuse peuplant le dessous de son lit, il se souvint. Il cherchait de la déchirure, du sang, une violence qui avait disparu, maintenant que l'orage était passé. Il s'endormit, exténué, du sang coulant sur son parquet, des larmes coulant de ses yeux.
tags : orage, texte

Aphorismes (1)

posté le 16 May 2007 à 16:55
Ecole et existentialisme - Il pourrait nous venir une objection a priori justifiée, alors que nous observons le système de notation scolaire : quoi, mettre des notes aux enfants - aux Hommes ? Quelle folie ! Qui sommes-nous donc pour juger notre prochain, pour le noter, et ainsi créer une hiérarchie ; le but de l'école est d'enseigner, pas de classer les hommes sur des échelles !
Mais l'école - ainsi que celui qui a réfléchi à la situation - répond : je ne juge pas les élèves, je juge leurs travaux. Loin de moi l'idée de diviser les hommes, je ne fais que pointer du doigt leurs défauts et leurs qualités, afin qu'ils s'améliorent : mes notes sont là pour les encourager à continuer, à progresser. Un mauvais élève n'est pas mauvais en soi, c'est son travail qui est perfectible, parce que l'élève n'aura pas assez travaillé. Tous sont capables de réussir, tant qu'ils travaillent suffisamment.
C'est là le discours de l'école publique en tout cas, telle que nous la connaissons certainement tous, y ayant passé de nombreuses années. Mais ne trouvons-nous pas dans son discours nombre de smilitudes avec une doctrine philosophique, au point que l'on pourrait accuser l'école d'adhérer à ladite doctrine : l'existentialisme ? En effet, la philosophie de Sartre ne semble-t-elle pas être semblable à la logique de nos écoles publiques : l'homme en lui-même n'est rien, seul son acte compte, tous ont des capacités, mais peu importent les capacités, si elles ne sont pas utilisées ?
Sartre semblait à la fois pris de pitié et de haine lorsqu'il parlait des hommes qui n'avaient rien fait de leur vie, mais qui se rattrapaient en disant : j'aurais pu, mais le destin en a voulu autrement, je n'ai pas eu de chance, etc. L'école suit la même logique : peu importe la capacité, si le travail n'est pas là, l'élève écopera d'une mauvaise note.
Cette réflexion peut paraître bonne et adaptée à l'école, mais on remarque vite que les (innombrables !) critiques qui s'appliquent à l'existentialisme s'appliquent également à l'école. Faire fi des hasards et des circonstances, c'est provoquer une injustice : les enfants d'intellectuels n'ont-ils pas plus de chances de réussir que ceux qui sont nés dans des familles pauvres, dont les parents n'ont pas fait d'études ? Pourquoi celui qui a un grand QI obéit-il au même système de notation que celui qui a un QI faible ? La vérité, c'est que celui qui est plus intelligent devra travailler moins que celui qui n'a pas été intellectuellement favorisé par la nature, ou par son éducation passée, par son expérience...
Mais où nous mène cette vision des choses, me direz-vous ? A une conclusion simple, bien qu'effrayante : l'école prétend ne se préoccuper que des actes, pas des hommes ; et c'est là tout son drame. Car on ne peut pas juger seuls les actes, puisqu'il y a toujours un homme pour les faire, et que cet homme ne peut être tenu responsable de ce qu'il est. Le déterminisme - auquel tente d'échapper philosophiquement Sartre, au fond (quelle folie !) - nous retient de juger quoi que ce soit : les hommes, parce qu'ils ne décident pas ce qu'ils sont (cette absence de décision commence par le simple fait de ne pas choisir d'exister), ni ce qui leur arrive - donc ni leur inné, ni leur acquis ; et leurs actes, parce que ces actes dépendent directement d'eux-mêmes, donc de quelque chose dont ils ne sont pas responsables.

De la difficulté du déterminisme - Le déterministe parvient, lorsqu'il a réféchi avec prudence, à bon nombre de conclusions particulières, auxquelles il a parfois du mal à s'habituer. Tout d'abord, et c'est la plus effrayante, l'absence de liberté chez l'homme. L'homme agit parce qu'un certain nombre de choses le poussent à agir, il obéit à une logique de laquelle il ne peut s'affranchir, comme un objet qui tombe ne peut échapper à la gravité, et ne pourra tomber que dans un sens. Il y a toujours des raisons à ses actes, et ses raisons ne peuvent être de sa responsabilité : il ne choisit pas qui il est, ce qui lui arrive. On veut croire qu'il choisit au moins ce qu'il fait, mais là encore, le déterministe secoue la tête : non, il ne choisit pas, car il n'a pas d'emprise sur les raisons qui le poussent à agir.
S'il mange, c'est parce que son instinct le pousse à manger ; s'il va travailler, c'est parce que son instinct le pousse à survivre, et que sa raison entrevoit que la meilleure façon de survivre, c'est de travailler ; s'il réfléchit, c'est parce qu'il ne comprend pas, et parce que là encore, la logique darwiniste veut que celui qui réfléchisse le plus survive - donc il est habitué à réfléchir, et réfléchit. Il n'est responsable de rien, et cette vérité est également corroborée par le monde en lui-même : le temps est linéaire, et ce que nous vivons, nous ne le vivons qu'une fois ; ainsi nous n'avons jamais de choix, puisque nous prenons toujours une seule décision lorsque nous avons un choix à faire (même si nous choisissons de ne pas agir, il s'agit toujours d'un choix).
Mais si l'homme n'est pas responsable, nous ne pouvons pas le condamner - nous ne pouvons plus enfermer les brigands, punir ceux qui le méritent, répondent avec horreur les plus effrayés ; votre philosophie supprime toute morale, monstres ! ajoutent-ils avec colère. Là encore, le déterministe qui a poussé sa réflexion jusqu'au bout, peut leur répondre avec grandeur (car le déterminisme est un système philosophique logique, le système de compréhension ultime de tout ce qui existe, au fond - même si nous avons de mal à nous faire à sa logique) : Non, ma philosophie ne nie pas toute morale, elle ne fait que changer son essence, mais ne remet pas en question son existence. Quelle est donc cette nouvelle morale, me direz-vous ? Elle est bien simple : nous ne jugeons pas les hommes parce qu'ils sont libres et qu'ils ont fait un mauvais choix, nous les jugeons parce que si nous ne les jugeons pas, ils recommenceront. Or, en les jugeant, nous ne faisons que leur appliquer une nouvelle détermination, qui va les empêcher de mal agir à nouveau. Car le but est le même : empêcher le nuisible de nuire à nouveau. Le moraliste chrétien prétend qu'il a eu le choix, mais qu'il a mal agi, et qu'il faut le punir pour cela ; le déterministe prétend qu'il a agi d'une façon qui ne convient pas à la société, et que la société réagit afin de l'empêcher d'agir mal à nouveau.
Cette nouvelle façon d'envisager la morale implique une remise en question totale de l'éthique telle que nous la concevons, mais pas dans ses conclusions (presque au contraire, dirais-je), seulement dans sa logique réflexive. Cependant, tant qu'il y aura des hommes, et donc des croyants, l'humanité ne se verra jamais composée de déterministes. Toute la religion chrétienne suit les affirmations du bien, du mal et d'une liberté de choix entre les deux, qui sera punie en fonction du choix fait. A ses yeux, le déterminisme passera toujours pour une philosophie dangereuse et laxiste, plus à même d'excuser ceux qu'elle punit - au point même qu'elle ne les accuse pas. Ce qu'il est intéressant de constater, c'est que la religion chrétienne est presque hargneuse dans ses condamnations : elle en veut à ceux qu'elle punit, sa punition, telle la punition divine, est foudroyante, sans pitié. La morale déterministe, quant à elle, fait office de morale calme, posée : elle ne punit pas, elle réagit simplement pour le bien de la société, elle est la tranquille force qui existe par besoin, pas par violence.
Ainsi, contrairement à ce que certaiens auraient pu penser, le déterministe rend plus humain que le christianisme...


On notera avec étonnement que c'est dans le train que je suis le plus productif.

Le Contrat

posté le 13 May 2007 à 23:38
Un peu plus beurk que le précédent !

Le ciel et Robert se contemplaient. Il faisait beau. Un long coussin entre ses fesses et sa chaise longue en plastique blanc, il tenait dans ses gros doigts ce qui devait être le plus important contrat de sa vie. Il l'avait conclu le matin même avec un des partenaires de l'entreprise dans laquelle il travaillait maintenant depuis plus de vingt ans, et ces quelques feuilles représentaient l'avènement de plusieurs mois de négociations, ainsi qu'une augmentation majeure à venir. Son avenir tenait dans ces quelques pages. Plus que satisfait, il s'alla à rêvasser, s'imaginant dans un nouvel appartement qu'il meublait déjà en pensée ; une nouvelle voiture - d'une grande marque bien entendu -, lui sur le siège du conducteur, les mains tenant fermement le volant ; peut-être enfin une femme, attirée par son nouveau statut...
Le soleil aidant, Robert se sentit somnoler, puis s'endormit finalement. La tête en arrière, bouche ouverte, il se mit à ronfler avec conviction, alors que les yeux les plus observateurs pouvaient remarquer le coup de soleil qui se dessinait progressivement sur son nez. Il serrait toujours le contrat, qui se trouvait maintenant entre son ventre nu et sa main gauche, la droite pendant nonchalamment sur le côté de la chaise longue. Il semblait que son subconscient attachait autant d'importance à son contrat que lui, puisque même endormi, il ne fit pas un pli au précieux document. Tout allait pour le mieux, ce n'était pas une vulgaire sieste qui ruinerait sa carrière...
Tout à coup, Robert sentit quelque chose remuer dans sa bouche. Il ne se réveilla pas immédiatement, mais après quelques secondes ne put faire autrement : ce qui se trouvait être un imposant hanneton (Robert ignorait évidemment de quel animal il s'agissait) avait décidé, satisfait, d'explorer plus avant la gorge de notre dormeur réveillé. Ce dernier s'agita, poussa quelques cris étouffés, et, dans un geste désespéré, se précipita pour attraper à l'aide de ses larges doigts la bestiole qui s'agitait près de ses molaires. Malheureusement, tout à fait paniqué, Robert serra l'insecte avec une force bien trop importante pour l'exosquelette en chitine de ce dernier, ce qui le fit éclater au milieu de sa bouche, libérant un liquide gluant et malodorant qui coula sur sa langue, entre ses dents, et commença à s'immiscer lentement dans sa gorge.
Dans un réflexe humain et tout à fait compréhensible, il ne put alors s'empêcher de vomir en sanglotant, projetant un liquide qui devait être un mélange de son dîner et de morceaux de carapace de hanneton. Bien qu'il ait réussi à éviter le contrat lorsque ses doigts étaient couverts de morceaux d'insecte, il ne put cette fois protéger le précieux papier, qu'il submergea inévitablement d'une substance brunâtre et grumeleuse. Il resta là, courbé en avant, du vomi recouvrant son ventre, ses jambes, sa chaise longue, son contrat : des larmes coulaient sur ses joues rouges.
Un malheureux insecte venait de mettre fin à sa carrière. Robert ne put se résoudre à rendre le contrat à son patron, ni à rappeler l'autre entreprise pour négocier un nouveau contrat... Et finalement, ne pouvant raconter sa tragique aventure à personne, il décida de démissionner, histoire de quitter l'entreprise avec un peu de fierté. Jusqu'à la fin de ses jours (qu'il provoqua d'ailleurs, à l'aide d'un canon de pistolet judicieusement pointé), il ne cessa plus de s'en vouloir : pourquoi diable avait-il gardé l'original d'un contrat aussi important sur sa chaise longue, dans son jardin, à la merci de tout ce qui passait par là ? Pourquoi ne s'était-il pas retenu ? Pourquoi n'avait-il pas tourné la tête au moment opportun ?
Jamais il n'eut de réponse à ses questions, mais il soupçonna longtemps une force supérieure de s'être joué de lui.
tags : contrat, texte

Post-It

posté le 10 May 2007 à 15:04
Igor ramassa le petit papier sur sa table de nuit. Il s'agissait d'un post-it en partie déchiré, d'un jaune qui s'était effacé avec le temps. Il l'avait trouvé à la fin du livre qui occupait sa nuit, comme si son précédent lecteur le lui avait laissé, en signe d'amitié. La personne qui avait défiguré le petit papier avait apparemment fait en sorte qu'il ressemble le plus possible à un parallélépipède rectangle dont un côté équivaudrait au double de l'autre. Elle avait quelque peu raté son coup, puisque la partie déchirée était loin de suivre une parallèle à l'autre bout droit, d'usine. Apparemment, elle n'avait pas jugé bon de rectifier sa découpe anarchique, ce qui faisait penser à Igor qu'il devait s'agir d'une personne probablement littéraire. A force d'être confrontée à de la poussière, la partie collante du bord de l'objet avait perdu sa principale caractéristique, à tel point qu'Igor n'avait même pas remarqué qu'il s'agissait d'un papier dont la première eschatologie avait été de coller. Mais son esprit ne lui laissa plus le temps de divaguer, puisqu'il se raidit tout à coup sur son grand lit assorti de divers tissus bleus et verts. Une pensée venait de le frapper.
Il était lui-même un post-it. Tout concordait. Petit, il avait été jaune, mais les années avaient dilué son teint vif, il n'était maintenant plus que pâle et délavé : au niveau des couleurs en tout cas, la ressemblance était frappante, il fallait l'avouer. Mais ce n'était pas tout. Il s'était souvent senti déchiré par les événements, le monde, les hommes, parfois lui-même, ce petit papier qui avait souffert des séparations d'avec lui-même ne pouvait pas le laisser insensible quant à ce qui les liait. Lui aussi avait l'impression que son être n'était pas complet, que fondamentalement, il manquait quelque chose à sa substance profonde - ou que savait-il. Lui aussi, il avait été plié, tordu, écrasé entre un nombre incalculable de feuilles minces et coupantes. Lui aussi, on l'avait déplacé d'une page à l'autre sans faire attention à sa personne - un moyen plutôt qu'une fin. Et enfin, surtout enfin, cela faisait longtemps qu'il ne parvenait plus à s'attacher aux choses, au monde, aux gens. Sa partie collante aussi avait pris la poussière, et par là perdu sa capacité d'attache. Il avait beau côtoyer tout un tas de trucs chaque jour, plus il les côtoyait, et plus la poussière faisait son oeuvre, plus il s'ennuyait des choses, moins il lui prenait l'envie de s'y attacher, et d'y rester croché, de les aimer en quelque sorte.
Igor fit une boule du petit papier, et la jeta à l'autre bout de sa chambre. Il se leva de son lit. Il se représenta son grand immeuble, vu du sol, un ciel bleu contrastant avec le gris du béton. La fenêtre s'ouvrit sous sa main svelte, et déjà un vent froid se glissait sous ses maigres habits : il ne portait alors qu'un t-shirt et un slip. Il se dressa sur le rebord de la fenêtre. Il ne fallait pas réfléchir plus longtemps : si le post-it avait été détruit, il devait probablement mourir aussi, et pas plus tard que tout de suite. Il sauta.
Il atterrit sur le gazon vert. Bien sûr, il avait toujours su qu'il habitait au premier étage de son immeuble, mais quelque part, il avait espéré un miracle peut-être, une chance miraculeuse qui l'aurait tué plutôt que de lui planter les pieds dans l'herbe. Mais non, il se tenait debout, bien vivant, et respirait. Le post-it était mort, lui survivait : ils n'étaient donc pas les mêmes.
Cette histoire est triste.
tags : post-it, texte

La Fuite (chapitre 1)

posté le 03 May 2007 à 19:08
Chapitre 1

Cette fois-ci, c'en est trop ! Conclut Joseph au milieu d'un de ses innombrables examens. Il fit une boule de sa feuille de papier, se leva, prit la boule, la jeta sur le professeur, se précipita vers la fenêtre, l'ouvrit, sauta. Quelques minutes après, il courait sur le trottoir trempé, des gouttes s'aggripant dans ses cheveux, libre. Voilà longtemps qu'il s'était imaginé cet instant, sans vraiment espérer jamais le vivre. Mais il l'avait fait. Ses chaînes, ainsi que sa vie, avaient été brisées en quelques secondes, une barrière avait été enjambée, il ne savait pas qu'un précipice se trouvait de l'autre côté : dorénavant, il ne pouvait revenir en arrière. Certes, il lui aurait été possible de retourner de là où il venait, de se faire excuser ce petit accroc par moultes courbettes, mais c'était surtout dans son esprit que tout avait pris une nouvelle couleur, qu'il vivait sous le soleil d'un jour nouveau qu'il se voyait mal éteindre déjà.
Il rentra chez lui, ses parents n'étaient toujours pas là, eux. L'occasion était rêvée, il avait le terrain libre. Joseph entra dans sa chambre, vida son sac de ses nombreux livres, et le prépara à recevoir les outils de sa nouvelle vie. Il allait fuir, sa décision était faite. Rien ne le retenait, tout le poussait à quitter cet univers : bientôt il quitterait le doux nid familial, les responsabilités se feraient de plus en plus nombreuses et oppressantes, complexes. Il allait devoir travailler, pour de bon. Faire son service militaire, payer ses impôts, voter, se trouver une copine, s'assurer une relation stable, construire de nombreux contacts avec un monde hostile, histoire d'y survivre...
Tout cela l'ennuyait profondément : sa nature paresseuse, habituée à la détente et la facilité se refusaient à un tel mode de vie. Inutile d'insister, répétait-il aux restes de sa conscience, je ne m'enfoncerai pas dans cette boue qui s'assèche et se solidifie avec le temps ! Je veux vivre léger, profiter de plaisirs stupides, m'amuser plus que m'ennuyer. Tu ne m'obligeras pas à cet ennui simplement parce que tu aimes suivre les coutumes, conscience, simplement parce que tu as peur de faire autrement que l'on t'a dit.
Ainsi monologuait-il, et ce faisant terminait son sac. Quelques habits, mais pas grand chose, inutile d'en porter trop. Des livres, s'était-il demandé ? Peut-être, mais lesquels ? Ou lequel, pire ! Impossible de choisir, tant pis, il ferait sans. Au dernier moment, il y enfonça tout de même Voyage au bout de la Nuit, sentant au fond de lui-même qu'il s'agissait du livre de circonstance. Il était loin d'avoir le pessimisme d'un vrai littéraire, mais ne pouvait s'empêcher d'apprécier les histoires au goût désabusé. Après avoir rajouté quelques victuailles à son sac, rassemblé ses économies avec satisfaction, il s'attaqua au dernier point : la musique. Il ne pouvait définitivement pas partir sans musique. S'il avait dû choisir, il n'aurait pris que cela, et c'était un peu ce qu'il avait l'impression de faire : il quittait sa famille, sa chambre, son lycée, sa ville, ses copains (pas ses amis, il n'en avait pas vraiment, tout du moins pas à son sens), tout ce qu'il se permettait d'emporter, c'était de la musique. Il fourra son lecteur mp3 dans sa poche, ainsi qu'un lecteur cd à piles dans son sac, avec les nombreux cds qu'il considérait indispensables. Des piles, bien sûr. Enfin, son départ arrivait : il laissait presque tout derrière lui, sans se rendre vraiment compte des conséquences sur son petit monde, mais certainement au courant des effets sur son esprit.
Depuis très longtemps, il pensait s'échapper : après avoir - comme certainement tous les athées qui n'ont pas peur - considéré le suicide, il s'était rendu compte que tant qu'à faire, il pourrait partir pour un pays lointain, explorer le monde, avant d'en finir définitivement avec lui. Cette solution lui avait toujours semblée lointaine, bien que présente, comme une porte de sortie à quelques pas de là, qu'il n'envisageait pas vraiment d'emprunter, mais qu'il était tout de même heureux de savoir là. Joseph n'avait aucune destination précise en tête, au fond, sa seule limite était son imagination, aussi niais que cela lui paraissait. Tant qu'il y aurait des gens pour prendre des autostoppeurs, et des bateaux pour prendre des marins... Mouse, cela se faisait-il encore ? Comptait-il vraiment quitter son continent ? Impossible à dire maintenant. Il verrait bien.
La pluie était toute tombée et le soleil l'avait remplacée lorsqu'il sortit pour la dernière fois de chez lui. Laisser une lettre à ses parents ? Bah ! Il partait, ne les reverrait plus, à quoi bon ? Se rendait-il vraiment compte du mal qu'il leur ferait ? Mais maintenant qu'il y pensait, il reviendrait sûrement un jour. Il ferma la porte, fit quelques pas, hésita à se retourner, ne le fit pas. Il s'en voulut d'hésiter, maintenant qu'il croyait tout fuir, même les hésitations - surtout les hésitations !
Le soir, fourbu d'une longue marche - jamais il ne lui avait semblé marcher aussi longtemps, il s'arrêta à un arrêt de bus. Il avait atteint la métropole la plus proche, grande fourmillière de laquelle il ne pensait que piétiner les trottoirs. "Vous m'avez l'air fatigué, jeune homme !" lui lança un autre jeune homme qui attendait visiblement le bus, ou qui appréciait peut-être la vue des grands buildings gris depuis un banc en bois vermoulu. "Ouais, j'ai marché toute la soirée", répondit Joseph.
- Et vous allez où comme ça ?
- Dieu seul le sait ! dit Joseph avec un sourire. Il considéra l'étranger, qui ne devait pas avoir vingt ans, mais son regard n'était pas bovin comme celui de la plupart des jeunes que Joseph avait connus auparavant. Il se tenait un peu courbé, la main sur le genou.
- Dieu ? J'en doute... Vous comptez vraiment prendre ce bus, si vous avez marché toute la soirée ?
- Pas vraiment. J'ai de l'argent, mais pas du genre que l'on gaspille pour les transports en commun. D'ailleurs, je ne sais pas où dormir cette nuit, et je pensais que cet arrêt ferait l'affaire...
- Vous comptez dormir ici ? A votre âge ? Mais, vous avez pas des parents ? Une maison ?
Joseph se rendit soudain compte qu'il risquait de découvrir sa fugue, et qu'il contacterait peut-être la police, histoire de le dénoncer. C'eut été tout de même trop bête de s'arrêter si tôt... Alors qu'il hésitait à répondre, l'individu le devança :
- Tu fugues, toi, pas vrai ? Il rit. T'inquiète, je sais ce que c'est. Moi-même, ça m'est arrivé une fois, mais je n'ai pas pu m'empêcher de retourner dans ma famille. Tu ne tiendras pas longtemps.
- On verra ça, mais en attendant, ma décision est prise, et je vais dormir ici...
- Allez, fais pas ton désespéré, je t'invite chez moi ce soir. J'ai un petit appartement pas loin, cinq minutes de bus, tu verras, on y est bien ! Je suis à l'uni de la ville, en lettres.
S'il n'avait pas ajouté ça, Joseph n'aurait certainement pas considéré son offre. Mais les littéraires étaient tous des fainéants, c'était bien connu : ils se comprendraient sûrement.
- Quelle offre sympathique ! J'accepte. Moi, c'est Joseph, si jamais.
- Simon. Voilà le bus, tu viens ?
Alors qu'ils entraient dans le bus, Joseph ne put s'empêcher de se sentir veinard : il venait à peine de quitter le nid familial que déjà la chance lui souriait.







2007 devient donc officiellement l'année où j'ai le plus écrit de toute ma vie. Si ça intéresse quelqu'un, j'écrirai la suite (j'ai déjà un peu commencé), sinon, je l'écrirai quand même, na ! :)
Et à propos, le dernier album de Travis est sorti, ils restent Travis, donc c'est bien.
tags : fuite, texte

Philo au Fromage

posté le 01 May 2007 à 10:58
J'ai fini le Gai Savoir de Nietzsche, c'est vraiment une oeuvre absolument géniale, éblouissante, tordue et très intéressante, que l'on soit athée ou non, individualiste ou non...

Un truc auquel je pensais dans le bus


La philosophie comme réaction - Les plus grands artistes naissent et s'épanouissent pour la plupart tous en période de dictature, que ce soit une dictature politique, artistique ou psychologique. Il en va de même pour les philosophes (ne sont-ils pas les plus géants des artistes ?). Les "grands" de la philosophie ne se sont élevés au-dessus de la masse que parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec elle, parce qu'ils étaient convaincus de pouvoir la corriger. C'est lorsqu'il constate qu'il existe des erreurs de jugement, de mauvaises interprétations, de mauvaises réflexions, en un mot de la mauvaise herbe métaphysique qu'un homme se sent obligé de se déchaîner (dans les deux sens du terme), de remettre les choses à leur place. Réfléchissons : s'il n'y avait eu personne pour se tromper, Socrate serait-il resté dans l'histoire ? Pascal sans athées aurait-il été Pascal ? Nietzsche sans croyant, Nietzsche ? Kant sans idéalistes vraiment Kant ?
Lorsqu'un philosophe se lève, c'est toujours ou presque contre quelque chose : persuadé qu'il a mieux compris que les autres, il s'imagine naïvement qu'il est de son devoir de rétablir la vérité, de donner les vraies raisons des choses. Si tout le monde était d'accord avec moi, je finirais certainement par m'ennuyer, pire ! Je finirais certainement par ne plus réfléchir, par ne plus philosopher.
L'homme est ainsi fait qu'il n'agit que lorsqu'il n'est pas satisfait, obéissant bêtement aux lois de la thermodynamiques, il ne fera rien sans raison. Il lui faut de l'imperfection, de l'erreur, il faut du Mal à l'homme pour qu'il agisse, donc pour qu'il vive : c'est dans cet action que réside le secret de la vie, car un homme qui n'agirait pas serait déjà mort. Et les seuls hommes qui n'agissent plus du tout sont ceux qui sont parfaitement satisfaits. Là se trouve tout le paradoxe de l'humanité, pour qu'elle vive, il lui faut des obstacles, des barrières, des ennemis à combattre, sans eux, l'humanité serait déjà morte, car c'est dans le combat qu'elle trouve sa raison d'exister.


AH §§ Et dans un tout autre style, du Richard Cheese ! Petite Playlist :

- Fell in Love with a Girl (The White Stripes)
- Welcome To The Jungle (Guns N' Roses)
- Hate to Say I Told You So (The Hives)
- Yellow (Coldplay)
- Creep (Radiohead)
- Chop Suey (System Of A Down)
- Rape Me (Nirvana)
- Are You Gonna Be My Girl (Jet)
- Stairway To Heaven (Led Zeppelin)

Pour ceux qui ne connaissent pas (bouuh !), Cheese c'est un mec qui reprend des chansons diverses et qui les joue à la sauce Jazzy. C'est EXéLAN et ça se télécharge ici (petit mix, préférable de connaître les originales, sinon spas marrant). Pensez à moi quand je serai en prison !
tags : cheese, richard, texte

Vengeance

posté le 19 April 2007 à 13:12
Petit texte écrit hier soir dans le train, entre Bienne et Lausanne, en une heure quoi. N'en suis pas mécontent, c'est déjà ça.



Quelque chose me dérangeait dans son attitude : il semblait préoccupé, ailleurs. A l'évidence, ma présence le gênait. Il me dévisagea quelques secondes durant lesquelles je m'efforçai de rester impassible ; c'était lui qui m'avait convoqué, j'étais donc en position de force. Il avait à l'évidence eu besoin de ma présence, ce n'était pas le genre d'homme à vous inviter chez lui par pure politesse, bien qu'on se trouvât en plein samedi. Il m'avait fait m'asseoir dans un de ses fauteuils en cuir, sans trouver la force d'en faire de même. Sa position inconfortable de nécessiteux l'ennuyait peut-être trop pour qu'il daignât s'asseoir avec moi, pour qu'il se rabaissât une fois encore.
Quoi qu'il en fût, il ne m'avait toujours pas révélé la raison de ma présence en ces lieux. Alors que je m'apprêtais à lui adresser la parole, il me coupa dans mon élan et mon impassibilité : "alors comme ça, tu te fais ma femme, hein." Aïe.

Comment avait-t-il su ? Lui avait-t-elle dit ? Nous avait-on surpris ? N'avais-je pas été suffisamment prudent ? Impossible à dire ; cela n'avait cependant plus d'importance maintenant. Je le connaissais trop bien, il ne risquait pas de me pardonner de sitôt. C'était le genre d'hommes jaloux, brutaux, qui aime se venger, parce que s'énerver leur procure un de ces plaisirs viscéraux qui manquent toujours à la vie bourgeoise. Son honneur avait été bafoué, il n'allait pas passer à côté d'une occasion pareille. En un instant, nos rôles venaient de changer radicalement.
Je me trouvais en bien mauvaise position, et connaissant le tempérament de l'homme, ne pouvais m'empêcher de me voir déjà rongé par les asticots. Il ajouta : "je te comprends, au fond ; pas ton goût du romantisme ou ce genre de stupidités, mais le besoin de changement, le besoin d'interdit, l'envie d'aller voir ailleurs..."
Il fit quelques pas dans la pièce, au hasard. Il semblait beaucoup plus décontracté maintenant qu'il avait commencé son discours. Voilà qui me laissait un peu de répit, le temps qu'il le terminât. "Et puis Elise, c'est pas n'importe qui, le genre de femmes qui te marque, qui persiste dans ta rétine. Ce n'est pas pour rien que je l'ai épousée, hé ! Seulement vois-tu, c'est MOI qui l'ai épousée, pas toi, mon vieux."
Il m'appelait encore mon vieux, mais était-ce simplement le fruit de l'habitude ? Allait-il m'insulter ? En venir aux mains ? Quelque chose me dit que je finirais bientôt par le savoir.

"T'as pas à t'inquiéter, j'ai tout réglé. Dans une heure ou deux, tu sortiras d'ici plus blanc que neige, libéré", ajouta-t-il. Je ne pus m'empêcher de me sentir mal : suite à quoi aurais-je pu sortir d'ici la conscience tranquille ? Par "libéré", entendait-il "mort" ? Allait-il s'occuper définitivement de moi ? Mais au fond, nous étions tous les deux désarmés, et j'aurais très bien pu l'attaquer avec, disons, le pot de fleurs en verre qui ornait sa table de salon... Pourquoi dieu était-il maintenant si diablement calme ? Il devait avoir une idée derrière la tête, le genre d'idées qu'on ne mûrit pas sur l'instant, qu'il faut façonner longtemps avant leur exécution...
Un piège ? Avait-il mis un poison dans le verre qu'il m'avait offert auparavant ? Pas son genre... Il fallait qu'il se défoule sur moi... Ca devait le démanger, le ronger ! Mais pourquoi ce calme si troublant ? Réfléchissons : j'invite l'homme avec lequel m'a trompé ma femme, pourquoi faire ? Il n'allait peut-être pas me tuer ; il l'aurait sûrement déjà fait, et son discours n'était pas particulièrement solennel. Pas le genre de trucs qu'on raconte à un type qu'on va assassiner.
Et il restait là, à me débiter des évidences : "après tout, c'est la vie, pas vrai ? On n'y peut rien"... Où diantre était passé le vieux jaloux, celui qui avait débuté plus d'une rixe suite à un regard insistant lancé par un inconscient à sa femme ? Non, tout cela cachait quelque chose, c'était certain.

Il se dirigea vers l'armoire qui cachait le mur derrière lui. Avec un sang froid constipant, il en délogea un révolver qu'il braqua sur moi en un instant. Maintenant qu'il m'avait - enfin ! - à sa merci, il s'assit, et je ne pus m'empêcher de me sentir tout à fait stupide : j'aurais dû fuir pendant qu'il en était encore temps !
Trop tard.
Mais il n'avait pas encore tiré, et tant que je respirais, rien n'était définitivement joué. A ma grande surprise, il se remit à parler : "héhé, tu t'y attendais, pas vrai ? Pas trop mon genre, le pardon... tu verras... ça va te faire du bien... ma vie a toujours été odieusement ennuyeuse... au fond, j'avais besoin de changer d'air, de recommencer à zéro, heureusement que t'es là pour me distraire un peu..."
Je me décidai enfin à lui répondre. "Alors tu vas me flinguer comme ça, dans ton salon ? On a rarement vu moins irréfléchi, comme plan ! Je veux dire, en pleine nuit, dans une décharge déserte, d'accord... mais là, chez toi... ça ne te correspond pas, ce manque de préparation..."
Il s'était apparemment attendu à une telle remarque, puisqu'il me lança : "Haha, non, justement ! C'est là tout l'intérêt, vois-tu." Il posa son arme sur la table. Etrangement, cela ne me réconforta pas du tout. Qu'était-il donc en train de trafiquer ? Et moi, au fond, pourquoi restais-je planté là, penaud, au lieu de partir en courant ? Mais rien ne l'empêchait de m'abattre d'une froide balle dans le dos...

"Voilà l'idée, m'expliqua-t-il enfin : toi ou moi. Tu as le choix, soit tu prends ce revolver et tu me tues, là, dans mon salon, soit tu me laisses t'assassiner. Quoiqu'il arrive, c'est fini pour toi : tu peux me tuer, mais j'ai déjà appelé les flics, ils t'auront à coup sûr ; ou tu peux choisir de mourir. J'en ai assez, j'arrive bientôt à la retraite, tout ça m'ennuie. J'ai tout vu dans mon boulot, ma femme m'a trompé, je n'ai pas de descendance... Autant en finir."
Je tentai de réfléchir le plus vite et le plus pertinemment possible. Avait-il appelé la police ? Si oui, qu'allait-il faire ensuite s'il me tuait ? Se suiciderait-il ? Ou avait-il simplement bluffé ? Et si je le tuais ? Ne pourrais-je m'en sortir sans ennuis ?
"C'est un sacré dilemme, pas vrai ! Ricana-t-il. J'aimerais pas être à ta place. La mienne, j'y suis déjà, j'aimerais bien en changer. Heureusement que t'es là." Il avait perdu la raison ! Mais une chose était sûre : je n'avais pas envie de me faire tuer. Encore que... la prison, était-ce aussi horrible qu'on le disait ? Y avait-il beaucoup de balles dans son barillet ? Pourrais-je vivre longtemps après avoir commis un tel acte ? J'avais bien couché avec sa femme, j'étais loin d'avoir la conscience tranquille !
Tout à coup, je me rendis compte de la meilleure chose à faire. Je fus frappé de ne pas y avoir pensé plus tôt, tellement cela me sembla limpide. Je ramassai vivement l'arme sur la table (précaution inutile, il n'avait pas bougé d'un sourcil), puis la dirigeai vers lui.
"Allez, vas-y !" S'exclama-t-il, l'air presque enjoué. Le tuer ne valait pas le coup. J'appuyai sur la gâchette. Il s'agissait bien de la meilleure façon de régler cette histoire... il allait devoir refaire sa tapisserie.

Après avoir vidé mon chargeur dans le mur derrière lui, je lançai l'arme par la fenêtre, et me rendis en courant jusqu'à ma voiture qui m'attendait dans le jardin. Avant de le quitter, je pus le voir penaud, toujours debout, se demandant ce qui venait de se produire. Raté, mon gros ! Je n'allais pas gâcher ni ma vie ni la tienne à cause de ta stupide jalousie maladive.
Le soir même, j'avais fait mes bagages et m'apprêtais à quitter le pays. Il était bien capable de me poursuivre et de s'occuper définitivement de moi ; mais le pire était passé, puisque personne n'avait été tué, qu'aucun litre de sang n'avait été déversé...

Le lendemain, juste avant de partir pour l'aéroport, je tombai sur le journal, qui titrait : « Un entrepreneur tue sa femme puis se donne la mort »

Merde. Je ne m'attendais pas à un coup pareil. Il avait gagné, sa vengeance était accomplie. Je me retrouvais comme un idiot, la mort d'un vieil ami et surtout d'un amour sur la conscience.
Pourquoi ne l'avais-je pas tué pendant qu'il était encore temps ? Trop tard...



Et en boucle : The Dandy Warhols - Not If You Were The Last Junkie On Earth. Merci Violaine, t'es vachement culturée comme Fille. ;)
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