Imagine

posté le 31 May 2007 à 03:18
Allongé sur son lit, Armand n'avait pour seul choix que la contemplation passive et morose de son blanc plafond. "Je m'ennuie !" finit-il par s'écrier d'une voix basse mais décidée, comme s'il venait de prendre une importante décision. Personne ne l'écoutait, et depuis longtemps les mots qui sortaient de sa bouche étaient ignorés par tout le monde, lui compris. Il parlait pour ne rien dire, dépourvu de but, sans s'écouter, sans rien ; il avait envie de faire les choses sans raison, comme souvent ceux qui ne trouvent pas de sens à leurs actes. Malheureusement, ce genre de réflexions mènent invariablement à l'inaction : lorsqu'on se rend compte qu'on veut agir pour rien, on ne comprend plus l'impulsion qui pousse à l'action, et inévitablement, on préfère le repos à l'agitation. Se lever lui était à la fois impensable, parce qu'incompréhensible - tout autant que rester couché ; mais en même temps, un permissif sentiment de culpabilité lui grignotait lentement l'esprit. Le monde voulait qu'il se lève, depuis toujours d'ailleurs, on lui avait fait comprendre que seul le lever était intrinsèquement bon, qu'il ne pouvait y avoir que du mal dans un ennuyeux repos tel que celui dans lequel il se trouvait en cet instant.
Puisque l'inaction se trouve proscrite, son imagination s'anime.
Petit à petit, il se promène sur ses rideaux grisâtres et malheureux ; mais déjà il n'est plus Armand, il est devenu une petite clochette qui sonne à chacun de ses pas. Etrangement, ses rideaux ont pris une position horizontale, comme pour le mener quelque part. Après quelques instants, une pente se forme en eux, Armand s'y glisse gentiment. Elle le berce et le porte un peu, lui fait "cling" avec satisfaction ; les rayons du soleil le frôlent, le gratifiant d'une aura jaune et brillante qui sied merveilleusement à sa robe dorée de cloche. A force de glisser, il finit par atteindre la fin des rideaux, ce qui le transforme en gant rouge : il fait quelques pas dans ses nouveaux doigts, l'élégance semble être son mot d'ordre. Un homme le ramasse, s'apprête à le porter - non, une femme, plutôt, et alors il vire au noir. Elle ramasse une plume de cygne, la lance en l'air, et Armand a juste le temps de se glisser hors de ses minces doigts pour quitter l'endroit. L'herbe lui chatouille dorénavant les pieds. Il fait vert, mais le ciel est noir, et l'étrange lumière qui éclaire la pelouse lui confère un air effrayant, presque mystique. Il a beau courir pour échapper à la peur qui étreint ce petit univers, il tourne en rond. Les mêmes idées lui passent toujours devant les yeux ; est-ce lui, ou se répète-t-il invariablement depuis sa naissance ? Peut-être qu'il ne s'agit que de son manque de confiance en lui. Il a peur de se tromper, soudain, il se rend compte que c'est seulement lorsqu'il a peur qu'il agit vraiment. N'agit-il alors que dans le doute ?
Il ne sait pas, parce qu'un immense joint de porte nauséabond, composé d'un plastique gris et de bulles invisibles lui tombe dessus. Il n'a pas le temps de l'éviter, alors il ouvre les yeux, et en profite pour tomber à l'intérieur. Il se trouve maintenant dans son propre esprit : ici, quelqu'un fredonne qu'il n'est pas grand chose. Un sourire se dessine sur son front, puis se met à éclater de rire : il n'a pas si tort ! L'endroit est étrange, changeant, comme un ciel de printemps ; d'abord il y ferait presque beau, croirait-on, mais plus on y regarde, plus les crocs de nuages noirs se rapprochent pour dévorer la clarté du firmament. Sur le sol, des fourmis rouges et translucides : sont-elles géantes, est-il petit ? Il n'en sait rien, parce que des pieux sortent tout à coup du sol, ils sont bruns et larges, leur destination semble tellement éloignée qu'ils ne pourraient être plus pressés. Il veut quitter l'endroit, parce qu'il n'y comprend rien, alors il s'assied sur une petite pierre kaki. Un soupire s'échappe de son front, et ses sourcils s'en trouvent emmêlés ; heureusement, il lui suffit de secouer la tête pour les remettre d'aplomb. Face à lui, soudain, apparaît Armand. Ils se connaissent mal, parce qu'ils sont l'un l'autre, ce qui explique pourquoi ils se dévisagent d'un air féroce. Plutôt que de foncer tête baissée l'un contre l'autre, chacun envoie simultanément son fantôme. Ce dont ils ne se doutaient pas, c'est que la mort se cachait derrière eux, et que sa grande faux les transforma tous en petits poussins jaunes. Mais déjà, Armand s'était endormi. Allait-il se réveiller ? A l'heure où je vous écris, la question reste toujours posée.



Non, je n'ai pas pris de drogues, je voulais juste écrire un texte sans sens... j'ai raté mon coup.
tags : imagine, texte

Commentaires

Repiemink a dit :
posté le 31 May 2007 à 14:50
C'est beau l'auto-censure. Bravo.

Par contre il reste plein de lignes là au-dessus.

Ceacy a dit :
posté le 31 May 2007 à 16:41
Ce n'est pas tant de l'absurde qu'une sorte de description onirique ... l'absurde n'aurait pas cherché à expliquer Armand, alors que là, on pourrait tenter de l'analyser via son songe.

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