désillusion

Antoine.

posté le 12 October 2006 à 20:01

Tous les matins, il se levait vers sept heures quarante-trois. Il avait coutume de somnoler une dizaine de minutes, après quoi on pouvait le voir se lever, s'étirer longuement, bailler, s'étirer, bailler à nouveau, puis boire coup sur coup trois cafés bien noirs. Deux, cela ne suffisait pas.
Il s'appelait Antoine, bien que sa famille et son état-civil s'obstinassent à le nommer Jean. J'ai eu bien des fois, lors de soirées relativement arrosées, l'occasion de lui demander la raison de cette incongruité ; invariablement, il en profitait pour manger un blini au saumon. Quand il n'y en avait pas, il partait en acheter.
Enfant, il était, comme tout enfant d'ailleurs à l'exception du neveu de mon cousin qui, dit-on, finira avocat : convaincu de l'existence des fées, des cow-boys, des monstres et de tout ce qui s'ensuit. À force d'entendre des contes de tout ordre, il avait même brièvement envisagé de se construire une maison en pain d'épice remplie d'ours.
Puis il avait grandi. Cependant, cet inévitable et malencontrueux accroissement de la distance séparant le haut de son crâne de son gros orteil droit ne s'était pas, comme chez la plupart, accompagné d'un assèchement imaginatif qu'il m'a été trop souvent l'occasion de déplorer, notamment lorsque je n'avais rien de plus lucratif à faire. Il avait mûri au milieu de Peter Pan, de magiciens et de dragons. Même adulte, il conserva en lui cet espoir. À vingt-sept ans, lorsqu'il décrocha une situation intéressante dans un ministère, situation généralement synonyme de mornes et improductives heures à contempler des trombones aux frais du contribuable, il était toujours convaincu que, quelque part, existait quelque chose de mieux. Avec des lapins portant des montres à gousset, peut-être.
Cette certitude tint encore cinq ans, soit environ cinq mille cinq cents cafés - ce qui, en soit, est déjà remarquable eu égard à la tolérance de l'organisme humain à la caféine. Après quoi, peu à peu, il commença à devenir comme tout le monde : un peu pragmatique, plutôt désabusé, relativement indifférent. Le processus avait été long, mais il avait eu lieu, et Peter Banning avait pris le dessus.
Malheureusement pour Antoine, le dix-huit octobre deux mille cinq, à l'âge de trente-deux ans, sept mois et cinq jours, il buta sur une canette de Coca-Cola vide laissée pour morte sur le quai de la station des Lilas, ce qui causa plusieurs nuits blanches à la conductrice du métro qui arrivait justement, et, accessoirement, la fin prématurée du susnommé Antoine, né Jean. Grandir tue, hélas.


Le bonheur coûte cinq euros cinquante - tarif étudiant.

posté le 11 April 2006 à 14:34

Vous êtes un peu perdu, un peu déçu. Vous avez besoin d'amour, besoin de merveilleux, et désespérez un peu. Le monde vous semble étriqué, mesquin, vous avez l'impression de vous être fait avoir : vous rêvez d'une princesse, d'un coup de foudre, et tout ce que vous trouvez, c'est la banalité de tous les jours. C'est mon cas.

Pas de problème, des gens pensent à vous, à moi. Il suffit d'aller au cinéma. Voir La Doublure, par exemple. L'histoire de types un peu paumés mais très gentils, qui trouvent le bonheur. Chacun s'identifie à eux, évidemment ; chacun souffre un peu avec eux, sourit avec eux. Et, évidemment, à la fin, les gentils gagnent. Et tous ressortent, plus légers, avec le sourire.

On vous donne de l'espoir. On vous prête des illusions. On vous vend du rêve. Rien de solide, juste du vent. Pour quelques euros, une bouffée de magie dans les veines. Mais dans la vraie vie, le gentil paumé, il le reste souvent. Paumé, je veux dire. Les coups de foudre et le bonheur, ça n'arrive généralement qu'aux gens dans les films. Alors, du coup, on tombe. On souffre.

C'est méchant de donner de l'espoir : quand il s'en va, il laisse un trou. Et il ne reste plus rien.


Ne massacrez pas mes rêves, bordel !

posté le 03 November 2005 à 18:58
C'est con, la vie. Pendant seize ans, on y croit, on se raccroche aux branches, on a une foi farouche dans le monde, dans l'avenir.
Et puis un jour, tout s'écroule, plus rien n'a de sens. L'univers, jadis si beau, est terne, un goût amer de défaite et de lassitude se répand dans votre bouche.

Le droit de cuissage, ou droit de jambage est une coutume qui conférait aux seigneurs du Moyen Âge le droit de passer une jambe nue dans le lit de la mariée. [...] Des écrivains et historiens des XVIIIe et XIXe siècles [...] ont accrédité la thèse que ce droit permettait à un seigneur de coucher avec la femme d'un vassal ou d'un serf la première nuit de ses noces.
De nos jours, cette assertion est combattue par des historiens, qui avancent que cette dernière pratique ne pouvait correspondre qu'à des abus.


Pourquoi qu'est-ce que je vous ai fait, bande d'enfoirés ?!
tags : désillusion

Chute.

posté le 26 October 2005 à 11:50
Douloureux d'être rien quand on se pensait tout
De voir qu'on est poussière après s'être cru dieu
Et son ego broyé qui hurle sous les coups
Ne peut que murmurer qu'il souffre, et meurt, un peu

Contempler les étoiles, rêver de les rejoindre
Et pleurer tout son être en n'y parvenant pas
Vouloir saisir la lune et ne pouvoir l'atteindre
Certain d'être au sommet, se retrouver en bas

Comprendre et accepter qu'aussi l'on est faillible
Et que le monde entier est bien trop grand pour soi
Entendre tout à coup une voix à peine audible
Rire de ses espoirs, d'un petit ton narquois.

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Quelques mots ...

Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.

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