critique

Deathbird Stories

posté le 27 July 2011 à 10:46

"Deathbird Stories: A Pantheon of Modern Gods is a 1975 collection of short stories written by Harlan Ellison over a period of ten years."

Wikipedia.

Couverture

Ce que Wikipedia, par ailleurs si fiable, grand et beau, ne dit pas, c'est tout le reste : ce livre, conseillé par Neil Gaiman [1] dans la postface de Smoke and Mirrors, est une claque, en plus douloureux et quelque peu moins physique. La préface en donne le ton : après un caveat lector original,une page nous décrit le sujet, le fil directeur du recueil: Oblations at Alien Altars

"This group of stories deals with the new gods, with the new devils, with the modern incarnations of the little people and the wood sprites and the demons. The grimoires and Necronomicons of the gods of the freeway, of the ghetto blacks, of the coaxial cable; the paingod and the rock god and the god of neon; the god of legal tender, the god of business-as-usual and the gods that live in city streets and slot machines. The God of Smog and the God of Freudian Guilt. The Machine God." Soit. Mais encore ?

Mais encore ? La première nouvelle arrive. Inspirée du meurtre de Kitty Genovese, elle laisse le lecteur (enfin, moi) mal à l'aise, choqué, intrigué, désireux d'enchaîner avec la suite, la suite. Après une pause, histoire de respirer. Et "la suite, la suite", est à l'avenant : les nouvelles sont séparées par des aphorismes ou citations étranges, qui se laissent comprendre petit à petit au cours des textes ; les styles sont divers, les sujets aussi.

Winner of seven and a half Hugo and three Nebula awards, Harlan Ellison has long been regarded as one of America’s most brilliant and controversial writers.

Le quatrième de couverture.

Les références abondent : à la mythologie, à la littérature, aux textes sacrés ou apocryphes, à la science-fiction ou science tout court, et  même aux vieux films d'horreur des années 30. L'écriture, changeante, est parfois difficile, quelques nouvelles plutôt sybillines ("At the Mouse Circus" ?). Mais comme un édifice étrange, une cathédrale gothique d'où sortiraient d'étranges appendices métalliques et des lumières inquiétantes [2], l'ensemble est bien [3].
Intéressant.
Captivant.
Solide.
Bien.

 

[1] Auteur ayant reçu autant de prix littéraires prestigieux que la famine en Somalie de commentaires de BHL ; auteur entre autres de Coraline, American Gods, Good Omens (avec Terry Pratchett), Sandman (série de comic books), Anansi Boys, Neverwhere, Smoke and Mirrors, Stardust, et probablement la Bible également, mais je manque de preuves. À ce sujet (pas de la Bible, mais de la bibliographie susmentionnée), les amateurs de Lovecraft devraient apprécier Smoke and Mirrors, qui comporte énormément de références (voire de pastiches ou textes écrits à la manière de) à Cthulhu.
[2] Je m'enflamme.
[3] Entre autres, j'ai particulièrement apprécié "The Face of Helene Bournouw" ; mais je n'oserais pas dire que c'est la meilleure nouvelle du recueil - au moins dix d'entre elles pourraient prétendre à ce titre.
tags : critique, livre

Jean-Michel Biasquiat : The Radiant Child

posté le 14 October 2010 à 09:05

Je ne connaissais pas du tout Jean-Michel Basquiat. Pas son oeuvre, pas son nom - j'avais, peut-être, croisé l'un de ses toiles au détour d'un regard, mais rien de plus. Aussi, quand une amie m'a proposé d'aller voir Jean-Michel Biasquiat : The Radiant Child, un documentaire, au cinéma, j'avais pas mal d'appréhension. Mais bon, c'était une amie, vous savez ce que c'est.

Première impression : rien à voir avec d'autres biopics, telles que Walk the line, Gainbourg : Vie héroïque ou Un homme d'exception (oui, les biopics ont le vent en poupe) : là, pas d'acteurs, pas de séquence vidéo qui ne soit tirée d'archives ou une entrevue avec l'un des amis du défunt. Si l'on découvre "John", c'est à travers ce qu'il a été, ce que ses proches nous dévoilent, ses œuvres. A travers un magnifique montage de photographies, de vidéos d'époque et de confessions d'aujourd'hui, soutenu par une musique très forte, omniprésente et sans cesse différente, adaptée à ce qu'elle soutient et accompagne. Boléro de Ravel, jazz, be-pop s'entrelacent autour du sourire de Jean-Michel, des dessins de Jean-Michel, de la vie de Jean-Michel.


Vie qui se déroule devant noue, comme un écheveau lâché par une Parque négligente : une pelote de laine sans pareille, une vie incroyable. C'est fort, très fort, percutant ; c'est triste, aussi. Mort à 27 ans, célébrissime à 21, enfant prodige, Jean-Michel Basquiat est peint à travers ce qu'il a peint. Et le film est à l'image de son œuvre : éclaté, une galaxie d'éléments qui se répondent, une constellation de fragments aux couleurs chatoyantes qui, mis bout à bout, forment une unité immense et poignante.

This is a song for the genius child.
Sing it softly, for the song is wild.
Sing it softly as ever you can
Lest the song get out of hand.
Nobody loves a genius child.

(Langston Hughes)

Alors, oui, oubliez vos appréhensions. Allez voir ce film.


Gainsbourg (Vie héroïque)

posté le 30 January 2010 à 12:52

(Originellement écrit pour Le PI)

Affiche du filmJoann Sfar, je pensais qu'il ne faisait que des bandes dessinées, le Chat du Rabbin et autres Donjons. Et Serge Gainsbourg, c'est quand même un sacré morceau, on ne parle pas de n'importe qui, là. 

Alors Sfar qui réalise un film sur Gainsbourg, à part une magnifique affiche, je n'avais pas la moindre idée de ce que ça allait donner. Gainsbourg (vie héroïque), UGC Ciné-Cité Les Halles : plus de places, assis sur les marches du couloir de cinéma, ça commence (ça avait même commencé sans moi, à vrai dire).
D'emblée, c'est atypique et ça s'assume : le petit Lucien Ginsburg, ses amis imaginaires, sa croix juive et le modèle nu aux Beaux-Arts. Le jeune écolier réfugié au fin fond de la campagne, qui dessine des femmes nues sur les cahiers de ses camarades. Lucien, un peu moins jeune, et ses premières amours.Toujours, tout au long du film, le personnage, féérique et inquiétant de Gainsbarre avant l'heure qui le suit partout, double/mauvais génie effrayant mais élégant.
Insensiblement, on voit Ginsburg devenir Gainsbourg, et Gainsbourg s'abimer et s'abîmer. De femme en femme, de cigarette en cigarette, sa peau qui se plisse, ses joues qui se creusent. On a mal pour lui, lui le petit enfant du début, lui l'homme qui se trouve laid et qui peint pour que ça sorte. On a mal pour lui et on est fasciné, fasciné par le génie, fasciné par la vie et les choix, par l'esprit et les mots de Gainsbourg.
Accessoirement, les femmes défilent, les chansons aussi, seul le mauvais génie élégant reste et Gainsbourg y succombe. Gréco, Bardot, Gall, Birkin et les clopes, l'éternelle clope au bec et du talent à revendre. Un portrait magnifique d'un Gainsbourg qui devient laid.

Excellent.


Vous comprendrez donc, en Hollande

posté le 18 April 2009 à 10:54

Ajimoincätr, il est grand temps de parler d'autre chose, par exemple des singes à cul nu dévoreurs de tropiques. Ce que je ferais avec grand' joie et bonheur non mêlé, si seulement je savais quelque chose à leur sujet - ce qui n'est pas le cas, n'écoutez pas les racontars. Changement de sujet.

Dès qu'on évoque la Hollande surgissent, pêle-mêle, des images de volutes de fumée, de champignons douteux et de femmes en vitrine. C'est d'ailleurs exactement ce dernier point qui m'intéresse, qui fait l'objet de cet article : une chambre en Hollande.

CouverturePierre Bergounioux signe ici un livre complètement atypique : ça commence sur les chapeaux de roue, entre les Gaulois, les Romains, Jules César et compagnie ; trois pages plus loin, on en est au Moyen-Âge, puis la Renaissance arrive, et c'est Cervantès, Bacon et Spinoza. Et Descartes.

Parce qu'en fait, ce livre, court, direct et jaune comme une banane accrochée à une flèche, traite de Descartes. Descartes, ou pourquoi un Tourangeois est parti s'exiler en Hollande pour écrire son oeuvre majeure, et révolutionner la philosophie.

Pourquoi la Hollande ?

Note : 14/20

Dans un autre genre, tout autre genre, il y a un titre. Ce titre, quand même ! Il contient tout, il résume tout, il allèche, appâte et al dente s'il vous plaît : un titre qui choque et provoque, insolite comme le fantôme d'un jazzman dans la station Mir en déroute.

CouvertureMaurice G. Dantec, avec un G. comme dans tec, écrit de la science-fiction. Soit, ça peut arriver aux meilleurs d'entre nous.
Il écrit aussi plutôt bien, semble-t-il : c'est fluide, pas désagréable. Le narrateur nous conte ses aventures, dans un futur plutôt beaucoup trop proche et probable à mon goût : atteint, tout comme sa compagne, d'un neurovirus qui le rend extralucide, extrasujet à des phases de dépression profonde, et extrarecherché par les services sanitaires, il est en fuite après plusieurs braquages. Sinon, jusqu'à la moitié du livre, on ne sait rien de lui.

La fin est un mélange de 2001, Odyssée de l'espace et de Matrix avec des bouts de l'Apocalypse selon St-Gustave : un peu dommage, je trouve, mais bon, du moment qu'Elvis est là pour les titres des chapitres ...

Note : 12/20

Je passe sur Laborit, parce que je ne suis pas certain de pouvoir résumer l'intégralité de La nouvelle grille sans trahir le livre, ce que j'en ai compris et ce qu'il aurait fallu comprendre ; et c'est au tour d'Orphée. Enfin, Eurydice, ou plutôt une Eurydice actuelle. Vous comprendrez donc, donc. Donc.

CouvertureLa parole est à la nouvelle Eurydice - son nom, nous ne le connaîtrons jamais, pas plus que celui de son Orphée à elle, le poète qui est venu la chercher dans cette Maison de repos, endroit sombre, gris, immense où l'on se rend quand notre santé ne nous permet plus de supporter la vie "dehors". Un long monologue de 54 courtes pages, où elle s'adresse au "Président" de la Maison, le remercie de la faveur qu'il leur a accordée, lui peint son amour, ses craintes, lui parle de son homme, de la vie en bas, de ce qu'elle regrettait d'en haut. Où elle met à nu, avec des mots toujours justes, son coeur, sans tomber dans le lieu commun, jamais, jamais de guimauve, juste la vérité, on ne peut rien cacher au président de toute façon. Où elle témoigne d'une histoire d'amour, une vraie, qui a survécu à la vie, et ensuite à la mort.

Et où elle explique pourquoi Orphée s'est retourné.

Note : 17/20

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Quelques mots ...

Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.

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