Celui qui n'a jamais rêvé.
Il est deux heures du matin, et il contemple son plafond : cette nuit, comme chaque nuit, il ne dort pas. Dormir n'arrive qu'aux autres. Calmement, sans un bruit - surtout, ne pas la réveiller - il se lève, s'habille. Il sort dans la rue, dans l'air froid, et commence à marcher. Il aime bien la ville ; elle non plus ne dort jamais.
Il croise à plusieurs reprises des fêtards attardés, qui errent dans l'obscurité, trop éméchés pour savoir où aller. Il entend leurs rires, il sent leur haleine, leurs pensées confuses, embrumées. Il les ignore, et passe à côté d'eux. Ils ne le remarquent pas. Il ne sait pas vraiment pourquoi, mais la nuit, personne ne le remarque.
Ah, ça y est, ça commence. Comme chaque fois, il est pris au dépourvu : un instant, il n'est guère plus qu'une silhouette, une ombre qui passe ; et tout à coup, il sent cette soif dans ses veines, ce fourmillement dans ses ongles. Il aimerait bien pouvoir l'éviter, ne pas ressentir cet appel. Etre normal. Il sait qu'au petit jour, il rentrera chez lui, la soif éteinte et sans forces. Se glissera près d'elle, sans la réveiller. Exsangue.
Déjà, il commence à rayonner, doucement. Une faible lueur s'échappe de ses artères, nimbe ses doigts ; il entend son coeur battre de plus en plus lentement, s'arrêter, se taire. Il se mord les lèvres, tente de résister. Il a du mal à marcher, titube, tombe. Souffre. Et cède.
Il se relève. Ses tempes bourdonnent. Ses yeux, de noirs, sont devenus verts ; ses lèvres paraissent plus pâles, ses doigts plus longs. Il n'a plus mal, mais il n'est plus lui. Plus vraiment. Comme chaque fois.
Il lève les bras en croix, et commence à avancer. La lueur est plus forte, plus vive : à travers ses vêtements, on devine le réseau des capillaires, son sang qui circule. Il illumine la rue, mais on ne voit pas ses traits, trop flous, trop imprécis. Il marche. De ses bras étendus semble jaillir quelque chose d'indéfinissable, l'idée d'une chose plutôt que la chose elle-même. Des sons, des lumières, des images. Des rires, des pleurs. Des songes.
Il continue d'avancer pendant des heures, comme chaque nuit. Il a de plus en plus de mal à poser ses pieds. La souffrance revient. Il trébuche. Il le perçoit confusément, cette nuit-là sera sa dernière : le froid, la fatigue lui brouillent la vue. Déjà, ses veines sont presqu'éteintes. Il n'en peut plus, il s'effondre. Il ne verra pas l'aube.
Un homme meurt, et les autres dorment. Ils ne rêveront plus.
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Quelques mots ...
Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.
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