À une passante.
Je revenais d'une soirée comme tant d'autres, l'une de celles qui s'estompent vite et ne laissent pour tout souvenir qu'une diffuse impression de joie et de frivolité. Je n'avais pas beaucoup bu, à peine plus que de raison, et me dirigeais à présent vers la station de métro la plus proche d'un pas presqu'assuré. Un samedi soir somme toute assez banal.
Le monde environnant me paraissait étrangement atténué, flou, alors que j'attendais, désoeuvré, le prochain métro. Le sans-abri étendu sur son banc, replié dans sa couverture synthétique ; la grosse pendule qui marquait pesamment les secondes ; les quelques fêtards qui chantonnaient sur la rame d'en face des paroles indistinctes ; tout cela me semblait parvenir d'un autre univers, de l'autre côté d'une épaisse paroi de verre qui aurait étouffé sons et lumière.
Floue, elle seule ne l'était pas. Appuyée sur l'un des distributeurs de problèmes cardio-vasculaires aux couleurs criardes de la station, enveloppée d'un ample manteau noir qui masquait son corps en soulignant ses formes, elle ne bougeait pas. Discrète, je ne voyais qu'elle.
J'ai toujours été un piètre observateur, et tenter de la reluquer discrètement me demandait tant de concentration que je n'entendis pas le métro s'immobiliser poussivement ; le déclic d'une porte automatique m'arracha sans douceur de ma contemplation. Avec une pointe de regret, je montai dans le wagon, laissant derrière moi l'inconnue qui avait attiré mon regard, et, comme à mon habitude, je m'adossai à la porte centrale. Je n'aime pas m'asseoir.
Alors que le train se mettait en branle, je captai du coin de l'oeil une présence qui m'enchanta : la jeune fille au manteau noir, dédaignant la porte qui lui faisait face, était entrée dans mon compartiment ! Feignant d'être intéressé par l'extrait de poème affiché en tête de wagon, lu et relu cent fois sans être jamais compris, je tournai la tête. Des cheveux un peu ébouriffés, des traits fins, une expression à la fois détachée et espiègle ... à moins d'avoir une soeur jumelle possédant le même sac, les mêmes habits et la faculté de se rendre invisible sur un quai de métro, c'était bien elle.
Espérant à la fois passer inaperçu et être remarqué, je la dévisageais dès que j'en avais l'occasion, littéralement captivé par ses yeux, ses lèvres, le contour de ses lèvres, sa silhouette ... Parfois, je croisais son regard, et détournais aussitôt les yeux, un peu honteux, le coeur battant. Peut-être était-ce dû à la légère quantité d'alcool qui circulait dans mes veines, ou bien à une imagination exacerbée, mais j'avais l'impression qu'une sorte de lien s'était tissé entre elle et moi, un jeu de regards et d'attitudes qui ne concernait que nous, excluant les quelques autres voyageurs du compartiment. Je lui jetais des coups d'oeil, négligemment, l'imaginant faire de même lorsque, par hasard, nos yeux se croisaient. J'essayais de deviner son nom, son âge - 18, 19 ans ? - sa musique préférée, quel genre de livres elle lisait.
Lorsqu'une voix désincarnée annonça que nous arrivions à Odéon, je sentis l'étoffe de son manteau frôler ma main, juste avant qu'elle ne disparaisse dans les escaliers.
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Quelques mots ...
Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.
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