Journal de vrac d'en bord.
Tous les matins, je me lève à 5h20 pour aller pointer à six heures et pousser ma petite charrette dans la ville.
J'avais décidé d'écrire des lettres et mots, retraçant l'histoire d'un dépressif inadapté à la première personne, et vu par son frère, les mots se répondant et se faisant écho pour dessiner la trame des événements.
J'ai deux balais, un râteau à feuilles, une pelle et une bêche ; les gens sont décidément très sales, très bruyants, et très peu responsables. À force de me baisser pour ramasser des mégots de cigarette, des papiers et d'autres saloperies, j'ai un peu mal au dos.
Finalement, je ne l'ai pas fait, ça a coulé lentement ; d'une part, par négligence, et aussi parce que je n'arrivais pas à obtenir du premier coup l'esprit que je voulais. Comme beaucoup de ce que j'écris, ça s'essouffle vite et meurt en croissant.
Mes petits cousins sont là, le deuxième a six ans. Il est parfois attendrissant, mais la plupart du temps, il crie, bouge, et est insupportable. C'est très difficile.
Du coup, j'étais parti pour écrire une nouvelle, assez courte, sur une lutte entre les bons et les méchants, où les méchants gagnent. Ce sont eux qui racontent l'histoire. Je ne la finirai pas, c'est quasiment certain, j'ai déjà plus ou moins abandonné.
Énormément de nouvelle musique, ce qui est frustrant car j'ai beau marcher 7 heures par jour, je n'ai pas le droit au baladeur.
En vrac, les bouts de choses que j'ai écrites.
Oh, et je regarde des James Bond.
Et je programme, aussi.
Et je bronze.
Fatigué.
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J'ai le sentiment aigü et douloureux de ne pas être à ma place, de sonner faux en permanence. Comme une sorte de pantin grotesque, une parodie de moi-même, qui parle avec ma bouche et voit avec mes yeux. Les autres n'ont, ne peuvent avoir, qu'une vision déformée, fragmentaire, de ce que je suis ; ma vie est une imposture.
Je me sens triste, glacé en dedans. J'ai envie de hurler, d'exploser; vacarme de cris et de larmes, torrent de bruit. Que ma frustration s'échappe et assourdisse le monde entier, pourvu que j'en sois libéré !
Car le clown quelquefois veut changer de costume.
Je vais aller acheter des légumes.
2 novembre
Le malaise est toujours présent, ses contours se font plus précis. Je me réveille avec une sorte de nausée, maintenant : j'en viens à ne plus supporter dans la glace ce reflet, ce sourire. Ne cessera-t-il donc jamais de rire, cet imbécile ?
Hier soir, j'ai croisé des gens dans la rue, des gens qui discutaient ensemble, l'air heureux. Lorsqu'ils sont passés devant moi, ils se sont tus. Je crois bien leur avoir fait peur.
4 novembre
Si nous nous réduisons à la somme de nos expériences, alors je maudis tous ceux que j'ai un jour rencontrés. J'ai des hématomes plein les mains et les bras à force de taper de rage contre les murs et portes, sans même savoir pourquoi. Mes amis commencent à me trouver inquiétant. Ils m'ont dit que j'avais changé.
7 novembre
Ablation de personnalité. Le terme m'est venu ce matin, en déjeunant ; je crois que c'est ce qu'il me faudrait.
2 décembre
Ce matin, j'ai pris un opinel, et j'ai essayé de me couper l'oreille devant la glace. La douleur m'a pris par surprise, étonnamment vive : je n'ai pas pu terminer, ça faisait trop mal. J'avais du sang partout quand mon frère est rentré : il veut m'emmener voir un psychiatre.
5 décembre
Il l'a fait. J'ai dû passer la matinée dans un vestibule odieusement aseptisé, à entendre des enceintes invisibles diffuser de la musique crissante, avant d'être finalement introduit dans le cabinet. Je craignais, je l'avoue, de me trouver face à face avec un autoproclamé docteur pédant et obtus : cela n'a pas manqué.
Jeune, cordial, le psychiatre s'est quand même révélé être un dangereux crétin : après une salve de questions toutes plus ridicules les unes que les autres - avais-je déjà songé à la mort, étais-je en bons termes avec ma famille - il a finalement conclu en me prescrivant des antidépresseurs et un rendez-vous dans deux semaines. Gloire au Prozac, amen.
17 décembre
La boîte de Prozac est vide depuis quelques jours déjà. La voisine est venue sonner à la porte ce matin, il paraît que j'ai hurlé plusieurs fois, cette nuit - elle a hésité à appeler la police. La bonne nouvelle, c'est que je viens de découvrir que ma voisine est assez jolie.
24 décembre
Quand j'étais enfant, je m'en souviens, j'adorais le réveillon, l'odeur du sapin décoré avec toute ma famille. Mon père faisait toujours à manger, enfermé dans la cuisine toute la journée, et le soir nous nous empiffrions de homard, foie gras et toasts. On ne réussissait jamais à attendre les douze coups de minuit, les cadeaux étaient dévoilés avant dix heures. Parfois, quand on avait de la chance, le jardin était recouvert de neige : avec le bruit du vent dehors, c'était magique. Il ne neige pas, mes mains tremblent, et ma bouteille est presque vide : c'est le troisième Noël que je passe en tête-à-tête avec du gros rouge.
28 décembre
Mon téléphone n'arrêtait pas de sonner, hier, c'était insupportable. J'ai dû me lever pour le débrancher.
2 février
Voilà bientôt deux mois que je suis dans cette chambre. Le 2 janvier, je crois, ils sont venus me chercher pour m'emmener ici : la nourriture est infecte, je m'ennuie comme un rat crevé, et je suis obligé de me farcir les entrevues avec des "spécialistes", deux fois par jour. Je crois qu'ils veulent me rendre fou.
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"C'est fini, et tu le sais. Tu as voulu ton heure de gloire, tu as voulu sauver le monde ... si imbu de toi-même, si prétentieux ... dès le début, tu avais perdu. Regarde-toi."
Tout se brouillait devant ses yeux.
"Mais tu as de la chance, tu sais. Tu vas mourir, sans entendre les cris de douleur de ceux que tu aurais dû sauver. Eux ne mourront pas tout de suite."
Il était le dernier espoir de justice et d'humanité; et il a failli."
Josph se tut. L'un des enfants qui l'entouraient leva la main.
"Mais alors, si les bons ont perdu, qui on est, nous ?"
Un large sourire se dessina sur les lèvres de Josph.
"Les autres."
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Quelques mots ...
Lecteur, avant toute chose, je me dois de t'avertir du contenu de cet encart. Je ne vais pas m'y étendre sur ce que je suis ou ne suis pas. Non pas pour ne pas t'ennuyer, c'est le cadet de mes soucis pour le moment, et puis ça arrivera tôt ou tard ; mais pour ne pas trop en dévoiler. Ce blog est le mien, et en tant que tel m'est dédié de long en large : me dépeindre — ou tenter de le faire — en quelques mots serait, plus qu'une erreur, un mauvais calcul. Et je déteste faire de mauvais calculs, ça me frustre.
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